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Bible, Histoire, Archéologie

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Archéologie

En 1939-1940, la spectaculaire mise au jour à Tanis, par l’archéologue et égyptologue français Pierre Montet et son équipe, des tombeaux des pharaons des XXIe et XXIIe dynasties, avec leur splendide trésor, n’a pas eu le retentissement mondial qu’elle méritait car la Seconde Guerre mondiale éclatait en Europe.

Tanis

Jusqu’à l’accession au trône de Smendès Ier (vers 1069-1043 avant J.-C.), premier pharaon de la XXIe dynastie, Djanet (Tanis, en grec), n’est qu’une petite bourgade de pêcheurs située sur le delta oriental et rattachée au 19e nome de Basse Égypte; pour la transformer en capitale à la mesure de leur rang, les premiers souverains de la XXIe dynastie démantèlent Pi-Ramsès, la ville construite sur la branche voisine du Nil par Ramsès II à proximité de l’ancienne capitale des Hyksôs, Avaris. Ils y transfèrent des blocs entiers de monuments du Moyen et du Nouvel Empire.
Abusés par le nombre de réemplois, les premiers fouilleurs de Tanis se croient à Pi-Ramsès, site où ils pensent que les Hébreux avaient été esclaves des Égyptiens. Pierre Montet espérait ainsi y retrouver des témoignages de l’Exode, de la présence des Hébreux sur la terre de Gosen (Genèse 47, 6, etc.).

Image ci-contre : la plus ancienne carte imprimée du site de Tanis est de Sébastien Münster (1488-1552), célèbre savant humaniste originaire d’Allemagne.
© Avec l’aimable autorisation de Jean-Jacques Desreux.

D’autre part, Tanis est plusieurs fois mentionnée dans la Bible sous le nom de Tsoan (Nombres 13, 22 ; Psaumes 18, 12 ; Ésaïe 19, 11, etc.).
Les liens entre Thèbes, où Smendès Ier avait laissé sa marque dans le temple de Karnak, et Tanis apparaissent dans le temple de Tanis dédié à la triade formée par les divinités Amon, Mout et Khonsou.

Les fouilles et les découvertes

Les fouilles sur les ruines de l’ancienne ville de Tanis (l’actuel Sân el-Hagar) culminant à plus de trente mètres de haut, s’étendent sur une superficie de 177 hectares. La structure du tell est constituée de niveaux anthropiques qui atteignent parfois 25 mètres d’épaisseur et reposent sur un substrat naturel formé de sable fossile.

Image ci-contre : vue générale des tombes royales de Tanis. © Jon Bodsworth.

Le monument central de la zone nord du tell est une grande enceinte de briques datant de l’époque ptolémaïque, mesurant environ 430 sur 370 m. Ce mur avait une épaisseur de 15 mètres et vraisemblablement une hauteur minimum de 15 mètres. À l’intérieur de ce périmètre existe une autre enceinte de briques crues datant du règne de Psousennès Ier. Tous ces murs de clôtures englobent un temple dédié à Amon. À l’extérieur de l’enceinte du temple, près de l’angle sud-ouest (voir carte), Pierre Montet découvre quatre chambres funéraires dont trois sont ornées de magnifiques bas reliefs peints au nom d’Osorkon II.
Les sépultures avaient été pillées mais les noms mentionnés sur divers documents sont ceux des pharaons Osorkon Ier et II, Takélot II, Sheshonq III et le prince Hornakht, fils d’Osorkon II (XXIIe dynastie). Poursuivant les fouilles, P. Montet pénètre alors dans une autre petite chambre funéraire décorée et inscrite au nom de Psousennès Ier dans laquelle il découvre un cercueil d’argent à tête de faucon. Après ouverture du cercueil, le défunt se révèle être un pharaon inconnu de la XXIIe dynastie, Heqakherrè Sheshonq.
Le 23 janvier 1940, après le démontage de la paroi ouest de la tombe d’Osorkon II, P. Montet exhume la cuve du prince Hornakht, décédé à l’âge de 8 ou 9 ans, et ses trésors épargnés en partie par les voleurs.

Image ci-contre : un bracelet en or incrusté de signes hiéroglyphiques en pierres de couleurs exhumé de la cuve du cercueil de Psousennès Ier. ©
Musée  égyptien du Caire.

Le 16 février 1940, dans l’antichambre de Psousennès Ier, Montet met au jour le trésor inviolé de ce pharaon avec son fameux masque d’or.
Le roi Farouk, devant l’urgence de la situation internationale, recommande à P. Montet l’ouverture immédiate de la chambre repérée au sud de celle de Psousennès Ier. Le 16 avril, l’entrée est dégagée et révèle aux archéologues le trésor du pharaon Aménémopé (vers 993-984 avant J.-C.), fils et successeur de Psousennès Ier.
Ces sépultures, certaines situées dans les parties souterraines, comprennent dans la plupart des cas plusieurs chambres construites en calcaire, en granit ou en briques crues. On accède à ces salles par un puits. Certains tombeaux renfermaient plusieurs momies, avec des sarcophages en granit, souvent usurpés. Des cercueils en argent et des masques de momie en or, des bijoux (pectoraux, bracelets et colliers), comptent parmi les plus remarquables trouvailles de ces tombes.
Tous ces trésors sont emportés au Caire et les fouilles de la deuxième période de la mission Pierre Montet sont achevées le 3 mai 1940.
À propos des exhumations des années 1939-1940, Pierre Montet écrit, c’est :
« La plus éblouissante collection de masques d’or qu’ait connu l’Égypte antique […] la série des vases façonnés dans l’or, l’argent et l’électrum est sans équivalent ».

Image ci-contre : le masque d’or du général Oundebaounded. © Musée égyptien du Caire, Égypte.

Les fouilles sont interrompues à cause de la Deuxième Guerre mondiale qui vient d’éclater en Europe.
Les fouilles reprennent le 15 avril 1945, sur les ruines de l’ancienne Tanis. P. Montet est de nouveau à l’œuvre, poursuivant l’examen de la sépulture de Psousennès Ier.
En 1946, l’architecte A. Lézine analysant la structure du tombeau, estime qu’il doit exister une chambre inconnue ; effectivement la sépulture inviolée du général Oundebaouded livre un trésor d’une qualité comparable à celle de Psousennès Ier dont il fut le principal dignitaire.
Cet ensemble exceptionnel d’or et d’argent, dont une partie sera exposée dans les Galeries Nationales du Grand Palais à Paris en 1987, montre qu’en dépit de l’affaiblissement politique de l’Égypte, la cour de Tanis perpétuait les fastes du Nouvel Empire.

De gauche à droite : le masque d’or d’Aménémopé, fils et successeur de Psousennès Ier, au moment de sa mise au jour.
Le masque d’or d’Aménémopé après sa restauration. Musée égyptien du Caire, Égypte. © Société française des fouilles de Tanis.

La tombe de Psousennès Ier

La riche tombe de Psousennès Ier (vers 1039-991 avant J.-C.), le plus grand roi de la XXIe dynastie, est intacte. À ce jour, c’est la seule tombe pharaonique exhumée qui ait complètement échappé au pillage. Sa sépulture est attestée avec certitude par les inscriptions sur les parois de la chambre funéraire ainsi que par les dépôts de fondation du sanctuaire, situés à l’extrême est du temple.
Un imposant sarcophage en granit rose renferme un cercueil en granit noir anthropomorphe, qui lui-même contient un cercueil d’argent. Par la suite, il s’avéra que le sarcophage avait été utilisé 170 ans plus tôt pour les funérailles de Merenptah (vers 1212-1203 avant J.-C.), 13e fils et successeur de Ramsès II, dans la Vallée des Rois.
Sur le visage de la momie dont il ne reste plus grand chose en raison de la forte humidité et de la salinité du site, est plaqué le magnifique masque en or sous lequel on découvre toute la parure d’un pharaon. Le souverain est entouré des accessoires destinés à l’accompagner dans l’au-delà et une extraordinaire vaisselle rituelle en or massif : pectoraux, amulettes, bracelets et colliers, objets prophylactiques et insignes du pouvoir.

Image ci-contre : le masque funéraire en or massif de Psousennès Ier au moment de sa découverte, en 1940, par l’équipe de P. Montet.
Image © Société française des fouilles de Tanis.

L’épouse de Psousennès Ier, Moutnedjemet, qui est aussi sa demi-sœur et l’un de ses quatre fils et successeur, Aménémopé, sont aussi enterrés à Tanis.
L’importance de cette découverte peut être comparée à celle du tombeau du jeune roi Toutankhamon dans la Vallée des Rois, mis au jour en 1922 par Howard Carter.
On a longtemps pensé que Psousennès Ier était le pharaon avec lequel le roi hébreu Salomon (vers 970-931 avant J.-C.) avait scellé une alliance en épousant sa fille (1 Rois 3,1). Une datation, aujourd’hui plus précise, laisse à penser qu’il s’agirait plutôt de Siamon (vers 978-959 avant J.-C.), qui à titre de dot, aurait offert à Salomon la ville de Guézer qu’il avait prise aux Cananéens (1 Rois 9,16). Quelques éléments appartenant à ce pharaon ont été mis au jour. Un fragment de stèle trouvé à Tanis représente Siamon, s’apprêtant à tuer un ennemi, probablement un Philistin. Cela pourrait correspondre au raid de ce pharaon contre les Philistins au moment de la prise de Guézer. Siamon fait bâtir par la suite dans la même zone, une cour et peut être un pylône (le deuxième).
Tanis qui apparaît comme une ville nouvelle conçue et construite comme une Thèbes du Nord (sans en atteindre l’envergure) a été aussi la capitale du pharaon d’origine libyenne, Sheshonq Ier (le Shischak de la Bible, vers – 945-924) qui effectua à la tête de son armée un raid audacieux dont nous avons déjà parlé et qui s’empara du trésor du Temple de Jérusalem et de son palais (1 Rois 14, 25-26). On a découvert dans la nécropole royale de Tanis plusieurs de ses bijoux personnels.
Jusqu’à la fin de la mission Montet, tout le secteur des tombes royales a été activement sondé.

De gauche à droite :
 – Le masque d’or de Psousennès Ier. Psousennès est représenté ici coiffé du némès surmonté de l’uraeus et portant la barbe postiche; 49 cm de haut. Musée égyptien du Caire, Égypte.
 – Une aiguière d’or haute de 20 cm portant le cartouche d’Aménémopé, fils et successeur de Psousennès Ier. Musée égyptien du Caire, Égypte.
Quelques éléments de la vaisselle funéraire d’or exhumés des tombes de Tanis :
 – Un vase à 28 godrons mesurant 7,7 cm de hauteur. Sur le col est mentionné le nom d’une des filles de Psousennès Ier.
 – Une patère d’or de 16 cm de diamètre mentionnant Psousennès Ier et une autre de ses filles. Musée égyptien du Caire, Égypte.

les fouilles archéologiques

Le chantier de Tanis est un des rares sites archéologiques d’Égypte à être en activité quasi-continue depuis près d’un siècle. La durée de ces fouilles reflète l’importance historique d’une cité qui fut la capitale de l’Égypte durant la XXIe et la XXIIe dynastie et qui demeura une importante métropole durant près d’un millénaire et demi jusqu’à la fin de l’époque ptolémaïque.

Image ci-contre : de haut en bas :
Pectoral prophylactique en or de Psousennès Ier. Il est rehaussé d’émaux et de pierres de couleurs. Il mesure 13 cm de haut.
La face verso en or ciselé. Il est flanqué des déesses soeurs Isis et Nephtys, chargées de veiller sur le défunt. Musée égyptien du Caire, Égypte.

Après les « découvreurs » du site que sont le Père Paul Sicard (de 1707 à 1722), les géologues et minéralogistes Dolomieu et Cordier (de 1799 à 1800) qui établissent en 1978 une importante description du site, détaillée et précise ; le topographe Jacotin qui dressa un plan d’une remarquable précision qui fut la seule base cartographique d’ensemble dont disposèrent les archéologues jusqu’en 1984. Arrivent les « antiquaires », Sir William Hamilton (1801), le Consul de France au Caire Bernardino Drovetti et Jean-Jacques Rifaud (1825). Ce dernier exhuma onze statues royales dont quatre seulement parvinrent à B. Drovetti qui les revendit au Louvre et au Musée de Berlin.
Toutefois les premières fouilles d’envergure sont conduites par Auguste Mariette (1821-1881), entre 1860 et 1868 (voir image ci-dessous). Des interventions brèves mais efficaces sont poursuivies par l’archéologue anglais Sir Flinders Petrie de 1883 à 1886. Ce dernier reprit l’étude du temple d’Amon, dressa un plan d’ensemble (limité à l’enceinte de Psousennès Ier) ainsi que des principaux blocs qu’il numérota pour en faciliter l’identification. Ce document resta le seul de ce type jusqu’en 1990.
Le site de Tanis est largement mis en valeur de 1929 à 1956 par Pierre Montet, en particulier avec le temps fort de la découverte des tombes royales et de leurs trésors.
La vingtaine de campagnes de fouilles de P. Montet sur le site peut être divisée en trois grandes périodes :
– de 1929 à 1938 : l’exploration de la zone nord du tell à la recherche d’éventuelles traces de l’influence sémitique et de l’héritage des Hyksôs.
– de 1939 à 1946 : le période de la découverte des tombes royales.
– de 1947 à 1951 : les fouilles de l’enceinte d’Amon à la recherche de nouvelles tombes.
Après quelques années d’interruption, les fouilles reprennent en 1965 sous la direction de Jean Yoyotte (1927-2009), auquel succède Philippe Brissaud qui, à la tête de la Mission depuis 1985, crée la Société Française des Fouilles de Tanis en 1988 avec Jean Rougemont.
De nos jours, le temple se présente comme une masse de blocs de colonnes, d’obélisques et de statues de différentes époques, comportant des inscriptions et des motifs décoratifs. Certains de ces éléments portent les noms de pharaons des Ancien et Moyen Empires (Chéops, Chéphren, Téti, Pépi Ier, Pépi II, Sésostris Ier).

Image ci-contre : un bracelet en or portant le nom de Chéchonq Ier. © Musée égyptien du Caire.

L’enceinte de Psousennès Ier renferme d’autres édifices. Certains de ses blocs, appartenant notamment à un temple et à une chapelle pour les fêtes-sed de Chéshonq V, ainsi qu’un temple de Psammétique Ier, ont été réutilisés par Nectanebo Ier pour réaliser l’Étang sacré et à proximité encore un temple de Khons-neferhotep. Cependant les fondations des temples et leurs dépôts de fondation ainsi que tous les témoins en place ne remontent pas au-delà de la XXIe dynastie. Les souverains des XXIe et XXIIe dynasties ont simplement édifié leur capitale avec des monuments prélevés ailleurs, principalement à Pi Ramsès.

 

Image ci-dessous :  une des rares vues des fouilles de Mariette sur le site antique de Tanis vers 1861. © Société Française des Fouilles de Tanis.

 

Pour en savoir plus

TRUSCHEL Théo, La Bible et l’archéologie
Éditions Faton, 2010, Paris.
pp 116-119.

De nombreux hors-textes richement illustrés présentent les découvertes archéologiques en Israël, en Égypte, en Irak, en Iran, et leurs interprétations parfois controversées. Ils abordent l’étude spécifique des sites (Samarie, mont Ébal, Tanis, île Éléphantine), de certaines stèles (Mésha, Tell Dan, Merenptah) et de divers objets exhumés (grenade d’ivoire).