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Bible, Histoire, Archéologie

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Histoire,
Archéologie

Introduction

Vers la fin de 1946 ou au début de 1947, un jeune berger surnommé ed-Dhib («le Loup») du clan des Ta’amireh, une tribu bédouine vivant sur les rives nord-ouest de la mer Morte, découvrit fortuitement des manuscrits d’une valeur inestimable dans une grotte perchée dans le flanc d’une colline du désert de Juda, près du site archéologique de Khirbet Qumrân, à un kilomètre environ de la mer Morte.

Image ci-contre : plusieurs poteries découvertes dans les grottes de Qumrân.© Musée d’Israël, Jérusalem.
Une vue générale du site avec sa falaise et ses quelques grottes ainsi que son plateau où se trouvent les ruines de Qumrân. © Alefbet.

Les péripéties de la découverte

Ayant découvert une cavité située à proximité d’une source d’eau nommée ‘Aïn-Feschka, le jeune Bédouin, prudent, revint deux jours plus tard accompagné d’un ami pour explorer la grotte. Ils se trouvèrent en présence de dix jarres en terre cuite d’une hauteur de 63 cm sur 25 cm environ de large.
À l’intérieur de deux de ces jarres, ils découvrirent sept rouleaux de cuir très anciens enveloppés dans du lin enduit d’une substance semblable à du bitume, peut-être extrait de la mer Morte.
En mars-avril 1947, les Bédouins apportèrent leurs sept rouleaux à deux amateurs d’antiquités : un marchand de Bethléem alias Faidi Salahi et un cordonnier syrien connu sous le nom de Kando.

Image ci-contre : l’entrée de la grotte n°1 d’Aïn Feschka à l’époque de sa découverte. © Image DR.

Salahi sélectionna trois des sept rouleaux et Kando quatre, et se mirent ensuite à la recherche d’acheteurs potentiels. Kando fit affaire avec le métropolite (titre religieux porté par certains évêques des Églises d’Orient) jacobite de Jérusalem. Ce dernier, incapable de les identifier les montra par l’intermédiaire d’un employé du Palestine Archaeological Museum de Jérusalem, à un chercheur hollandais de l’École biblique, le Père J. van der Ploeg qui identifia un passage du Livre d’Isaïe (ou Ésaïe). Le métropolite montra encore ses trois rouleaux à plusieurs autorités qui semblèrent indécises quant à leur valeur et leur contenu. Il les présenta finalement à un jeune et brillant chercheur attaché à l’American School of Oriental Research de Jérusalem, John C. Trever qui les data du IIe siècle avant notre ère. Il avait constaté que l’écriture des rouleaux était similaire à celle du Papyrus Nash que les scientifiques dataient des environs de 150 avant notre ère. John Trever les photographia et envoya les clichés du Rouleau d’Ésaïe (1QIsaiahA), du Commentaire d’Habakuk (1Qphab) et la Règle de Communauté ou Manuel de Discipline (1Qs) au professeur William Foxwell Albright (1891-1971). Ce célèbre archéologue et bibliste américain en conclut qu’ils devaient dater effectivement du IIe siècle avant notre ère et parla immédiatement de « découverte exceptionnelle ». Il écrivit quelques jours plus tard à John C. Trever : « Mes plus sincères félicitations pour la découverte du manuscrit le plus important des Temps modernes ! » À partir de cet instant, la valeur scientifique des manuscrits fut connue et les études sur leur contenu se multiplièrent.
Les précieux négatifs des photos prises par John C. Trever (1916-2006) sont conservés dans l’Ancient Biblical Manuscript Center de la Clermont School of Theology à Claremont en Californie.

Image ci-contre : le professeur Eleazar Sukenik découvre l’importance des manuscrits de Qumrân. D.R.

De son côté, Salahi consulta le fils d’un antiquaire arménien de Jérusalem qui à son tour contacta Éléazar Sukenik professeur d’archéologie à l’Université hébraïque de Jérusalem. C’est à travers les barbelés qui divisaient Jérusalem en zones militaires séparant les secteurs arabes et Juifs en guerre qu’Éléazar Sukenik put examiner l’un des trois rouleaux qu’il finit par acquérir avec les deux autres en se rendant à Bethléem. Il avait alors en main le Hodayot (Hymnes et Psaumes), le Rouleau de la Guerre et Isaïe (b).

La poursuite des fouilles

La guerre israélo-arabe empêchait toute investigation scientifique. C’est seulement en février 1949 que le professeur Lankester Harding, directeur du Département des Antiquités de Jordanie et le Père Roland de Vaux, directeur de l’École biblique et archéologique française de Jérusalem, entreprirent la première fouille de la grotte N° 1 d’ʽAïn Feschka.
En moins de quatre semaines, ils exhumèrent des jarres, des bols, des lampes romaines, des pièces de tissus ainsi que de très nombreux fragments de manuscrits dont certains appartenaient à deux des manuscrits déjà découverts par les Bédouins.

De 1947 à 1956, onze grottes furent fouillées et parmi les 100 000 fragments mis au jour, on recensa 981 manuscrits.

Image ci-contre : le Père de Vaux (au centre) lors des fouilles à Qumrân. ©  École biblique et archéologique française.

Les sept rouleaux enfin réunis

Par un heureux concours de circonstances, Yigaël Yadin, le fils du professeur Éléazar Sukenik, donnait des conférences aux États-Unis quand il lut l’annonce le 1er juin 1954 dans le Wall Street Journal de la mise en vente des quatre rouleaux restant par le métropolite qui tentait en vain de trouver un acquéreur. Yigaël Yadin, après d’âpres discussions avec les intermédiaires dépêchés par le patriarche, réussit à les obtenir pour la somme de 250 000 dollars de l’époque, grâce à une avance consentie par un industriel new yorkais, Samuel Gottesman. Les sept rouleaux étaient enfin réunis.
En février 1955, le premier ministre israélien, Moshe Sharett, annonça lors d’une conférence de presse qu’Israël possédait sept manuscrits d’une très haute antiquité.

Image ci-contre : Sanctuaire de la Maison du Livre à Jérusalem. © Musée d’Israël à Jérusalem.

Les sept précieux manuscrits furent déposés dans un musée spécialement aménagé pour les mettre en valeur : le Sanctuaire du Livre. Le toit de ce musée rappelle le couvercle des jarres qui avaient contenu ces rouleaux.
Un huitième rouleau provenant d’une autre grotte fut ajouté en 1967, au lendemain de la « Guerre des Six Jours ». Ce manuscrit, dissimulé sous une dalle du logement de Kando, est le Rouleau du Temple, le plus long des manuscrits de Qumrân.

Les sept rouleaux de la grotte N°1 d’Aïn Feschka

1. Le Rouleau de Guerre

Appelé aussi Règlement de la Guerre des Fils de Lumière contre les Fils des Ténèbres. Il contient dix-neuf colonnes d’écriture, d’une longueur d’environ 3 m pour une hauteur de 15 cm. C’est une sorte de manuel militaire qui contient des directives pour la conduite de la guerre sainte entre les « Enfants de la Lumière » et leurs ennemis, qui sont considérés comme s’efforçant d’opprimer le peuple de Dieu dans les derniers temps.

2. Une collection d’Hymnes et de Psaumes (Hodayot)

Les Psaumes d’actions de grâce, hymnes composées et recueillies par la communauté des Esséniens, constituent leur recueil de chants.

3. Une copie complète du rouleau d’Ésaïe

Le rouleau complet d’Ésaïe, remarquablement conservé, est écrit sur du parchemin et réparti en 54 colonnes sur 17 feuillets cousus bout à bout, d’une longueur de 7,30 m sur 26 cm de haut. Il est écrit en hébreu carré, sans signes de vocalisation, ce qui prouve son ancienneté. De nombreux archéologues fixent sa date de production entre la fin du deuxième siècle et le début du premier avant notre ère, ce qui en fait le plus ancien manuscrit hébreu complet connu d’un livre biblique. En outre, ce texte s’accorde dans presque tous les détails avec le texte hébreu traditionnel, tel qu’il est écrit dans les versions actuelles de la Bible hébraïque.

Un rouleau complet d’Ésaïe (détail), remarquablement bien conservé, écrit sur du parchemin et réparti en 54 colonnes sur 17 feuillets cousus bout à bout, d’une longueur de 7,30 m de long sur 26 cm de haut. © Musée d’Israël, Jérusalem.

4. Une copie partielle du rouleau d’Ésaïe

Les trente-sept premiers chapitres du second rouleau du livre d’Ésaïe sont sérieusement endommagés, tandis que les chapitres 38 à 66 sont en bon état.

5. L’Apocryphe de la Genèse

Un rouleau en cuir d’environ 3 m de long sur 30 cm de haut, est une version araméenne de plusieurs chapitres du Livre de la Genèse, suivi d’histoires relatives à Lémek, Hénoch, Noé et Abraham.

6. Un Commentaire d’Habaquq

Il est écrit sur deux feuilles de cuir marron, cousues ensemble et forme un rouleau d’une longueur d’environ un mètre et demi et d’une hauteur de 15 cm. Il s’agit d’un texte hébreu du Livre d’Habaquq, les deux premiers chapitres étant accompagnés d’un commentaire. Il parle de « l’esprit de vérité et de l’esprit d’erreur » et dit dans son commentaire : « C’est entre les mains de ses élus que Dieu remettra le jugement de toutes les nations ».

7. Manuel de Discipline ou Règle de la communauté

(Aujourd’hui nommé Règle de la Communauté). Il est écrit sur cinq feuilles de cuir de couleur beige, cousues ensemble, formant un rouleau de 2 m de long et de 24 cm de haut. Il contient des règles concernant les procédures propres à la secte et à ses cérémonies et il décrit en détail les « deux voies » du bien et du mal, de la lumière et des ténèbres, que Dieu place devant l’homme.

Pour en savoir plus

BIOUL Bruno, QUMRÂN et Les manuscrits de la mer Morte,
Les hypothèses, le débat

Préface de Jean-Daniel Dubois, directeur d’études à l’École Pratique des Hautes Études.
Éditions François-Xavier de Guibert, 2004, Paris.

Célèbres dans le monde entier, le site archéologique de Qumrân et les manuscrits découverts dans des grottes voisines sur la rive nord-occidentale de la mer Morte, demeurent néanmoins largement méconnus…