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Bible, Histoire, Archéologie

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Le Livre d’Esther

Il est le plus célèbre des cinq meguiloth (une subdivision des Ketouvim, autres « Écrits sacrés » de la Bible hébraïque).

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Le Livre d’Esther ou plutôt le « rouleau d’Esther » (Megillah Esther) a été inclus dans le canon après quelques hésitations : l’absence du nom de Dieu pouvait faire douter de son authenticité. Pourtant, il prend naturellement place parmi les livres historiques de la captivité et du retour d’exil des Judéens aux côtés de ceux d’Esdras et de Néhémie. Dans ces livres, Dieu intervient en faveur des Juifs rentrés à Jérusalem ou restés en exil dans l’empire perse, mais son intervention reste cachée. Cependant le verset 16 du chapitre 4 implique l’existence de la providence ; le verset 16 du même chapitre donne au jeûne une valeur religieuse et enfin le verset 31 du chapitre 9 mentionne la supplication et la prière. On ressent bien, en arrière-plan du récit, la présence de Dieu qui contrôle la situation.

Image ci-contre : un très ancien rouleau du livre d’Esther, datant de 1465, qui a été donné à la Bibliothèque nationale. Il a été écrit dans la péninsule ibérique. © Bibliothèque nationale d’Israël.

Le personnage central du livre est une jeune fille nommée Esther, mais aussi Hadassa. Hadassa est un nom hébreu et signifie myrte. Quant à Esther, c’est un nom qui dérive soit du grec asthèr (étoile), soit de Ishtar, nom de la déesse babylonienne de l’amour. Elle avait donc deux noms, comme beaucoup d’Hébreux en exil (cf. Daniel et ses amis).
Esther apparaît dans les Écritures comme une femme d’une grande piété, caractérisée par sa foi, sa sagesse, son courage, son patriotisme, sa prudence et sa résolution. Elle est fidèle et obéissante vis-à-vis de son oncle Mardochée qui l’a recueillie et élevée.
Elle est anxieuse face à son devoir de représenter le peuple juif et d’obtenir du roi leur salut. Dans les traditions juive et chrétienne, elle est perçue comme un instrument de la volonté de Dieu pour empêcher la destruction du peuple juif, le protéger et lui assurer la paix pendant son exil à Babylone.

Image ci-contre : une illustration artistique d’un roi de l’empire perse à la fin du Ve siècle avant J.-C. © DR.

Mordekaï (Mardochée) est la forme hébraïque du nom babylonien Marduka, nom Théophore formé à partir de Marduk, principale divinité du panthéon babylonien. Il est fils de Yaïr, nom typiquement hébreu (ex : Nombres 32,41), de la tribu de Benjamin, une des deux tribus qui constituèrent le Royaume de Juda avant sa destruction par les Néobabyloniens et les déportations de l’élite du royaume vers les provinces de l’empire néobabylonien.
Un texte découvert à Borsippa parle d’un ministre du roi nommé Mardouk ou Mordekaï, justement à cette époque. S’agit-il du même personnage? On peut s’interroger. On sait par ailleurs (tablettes cunéiformes, etc.) que bien des exilés juifs ont accédé à de hautes fonctions dans l’empire perse.

Un fac-similé d’un ancien livre ou rouleau d’Esther (hébreu : מגילת אסתר Meguillah Esther) datant du XVIe siècle. Il est le vingt-et-unième livre de la Bible hébraïque. Il fait partie des Ketouvim selon la tradition juive et des Livres historiques de l’Ancien Testament selon la tradition chrétienne. © Facsimilefinder Edition.

Selon la tradition juive, le livre est authentique mais son auteur anonyme.
Sa date de rédaction doit se situer après le règne d’Assuérus (vers – 465) et avant la rédaction du Deuxième livre des Maccabées qui mentionne le jour de Mordekaï. On admet le plus souvent la rédaction à l’époque perse.

Image ci-contre : la lecture d’un manuscrit d’Esther avec un yad (pointeur de lecture à usage liturgique, conçu pour la lecture de la Torah à partir du parchemin des Sifrei Torah. Le yad a pour but d’éviter les contacts indésirables avec le parchemin car, selon le Talmud, les Écrits saints rendent les mains impures). © D.R.

Ainsi s’explique le fait que sa langue et son style sont proches des livres tardifs tels qu’Esdras, Néhémie et Chroniques. On y trouve plusieurs mots perses. L’auteur, certainement un Juif persan, doit avoir eu accès au récit laissé par Mardochée (Esther 9, 20-32). Le roi Assuérus est présenté comme ayant régné dans le passé (Esther 1,1) : la description de l’Empire perse, de ses coutumes et de son fonctionnement laissent à penser que l’auteur les connait bien et a écrit avant la destruction de cet Empire par Alexandre le Grand (vers -331).
Toutefois de nombreux exégètes pensent que si le livre a des fondements historiques, le récit a été enjolivé et cherche à expliquer l’origine de la fête de Pourim; cette fête fait partie du folklore, c’est une fête profane, une sorte de joyeux carnaval.

Image ci-contre : une maquette de char et un bracelet en or faisant partie du trésor de l’Oxus. Ce trésor (un ensemble de 170 objets en or ou en argent découverts à la fin du XIXe siècle en Afghanistan) donne un aperçu de la finesse remarquable du travail des artisans de l’empire achéménide. © D.R.

Choix d’Esther comme reine de Perse

Le palais royal, lieu du festin, est brièvement décrit au début du livre d’Esther (1, 6) :
« … Ce n’étaient que tentures blanches, vertes et bleu de ciel, fixées par des cordons de byssus et de pourpre sur des cylindres d’argent et des colonnes de marbre ; des divans d’or et d’argent sur des mosaïques de porphyre, de marbre blanc, de nacre et de marbre noir… ».
Version du Rabbinat français.

Image ci-contre : une illustation artistique de la reine Esther. © NGvozdeva 380336521.

La magnificence du roi de Perse est confirmée par tous les auteurs de l’Antiquité, qui décrivent les festins, leurs décors, la débauche de luxe et de vaisselle en or, parfois offerte en cadeau aux convives ainsi que les milliers de participants installés sous des tentures dans la salle de l’Apadana.

Après la répudiation de la reine Vasthi qui avait refusé de se présenter à l’immense banquet organisé par le roi (Esther 1,12), ce dernier nomme « dans son royaume des commissaires chargés de rassembler toutes les jeunes filles vierges, et belles de figures à Suse ». En effet les rois de Perse pratiquaient la polygamie et avaient également de nombreuses concubines, l’objectif étant d’avoir une nombreuse descendance ; cependant seuls les enfants des épouses légitimes étaient considérés comme légitimes pour la succession au trône. Esther est amenée au palais sous la surveillance du chef des eunuques (là aussi, cette pratique était habituelle à la cour) avec à sa disposition pour la servir sept jeunes filles, elles-mêmes des esclaves prisonnières de guerre. La 7e année du règne d’Assuérus, « Esther trouve grâce aux yeux du roi » et elle est choisie parmi les jeunes filles des cent vingt-sept provinces de l’Empire et installée au palais en qualité de reine. Sur les conseils de Mardochée, Esther reste silencieuse sur son origine juive.
Elle accède au trône en un temps fort critique ; Haman était alors le favori du roi.

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De gauche à droite : un rhyton (vase qui se présente sous la forme d’une corne à une anse, comportant une ouverture de fond par laquelle le liquide (presque toujours du vin) s’écoule et dont l’extrémité se termine par une tête animale ou humaine). Il est ici en or et en forme de lion ailé, découvert à Ecbatane. Domaine public.
Deux épingles à vêtement, en or, Musée de Leyde, Pays-Bas. © Théo Truschel.
Une créséide, avers et revers d’une monnaie d’or au lion et au taureau, en cours en Lydie, à Sardes et en Asie Mineure. Domaine public.

le complot d’Haman

Haman, fils de Hamdata et descendant d’Agag, le roi Amalécite vaincu par Saül (1 Samuel 15), et qui apparait comme un ennemi héréditaire du peuple juif, est promu premier dignitaire du palais et le roi impose que tous les serviteurs qui se tenaient à la « Porte » « fléchissent le genou et se prosternent » devant Haman. Ce dernier attend que Mardochée se lève et s’incline lui aussi. Mais celui-ci reste assis : il refuse de rendre honneur à un homme réputé pour sa méchanceté. De plus, sa foi lui interdit de se prosterner devant quiconque, à l’exception de YHWH.

Image ci-contre : une femme en prière devant le tombeau présumé de la reine Esther à Hamadan. © Damon Lynch. 156546788.

Haman est furieux. Il conçoit un plan meurtrier. Il prend désormais le peuple hébreu en aversion, et fomente un complot visant à l’exterminer (le premier projet de génocide connu de l’Histoire) : en promettant au Trésor beaucoup d’or et en alléguant l’attachement opiniâtre des Juifs à leurs lois et coutumes particulières (ce sont déjà les arguments des antisémites), il obtient du roi la publication d’un décret d’extermination de tous les Juifs disséminés à travers l’Empire.
Mais la reine Esther, exhortée par Mardochée à intervenir pour sauver son peuple, jeûne et prie, se présente devant le souverain au péril de sa vie, s’approche du trône qui repose sous un baldaquin pourpre, avant de s’arrêter attendant que le roi lui tende son sceptre ou la condamne à mort pour avoir osé venir en sa présence sans y être invitée. Le roi accepte alors de venir au banquet qu’elle prépare. Esther révèle à ce moment-là son origine juive et réussit à dénoncer le décret autorisant le massacre des Juifs. Le roi, furieux, « laissa son vin et sortit dans le jardin du palais » ; en effet tout autour du palais se trouvaient les jardins nommés « paradis », le roi s’y rend pour apaiser sa colère car il doit rendre la justice en toute sérénité; Hérodote écrit : « c’est après avoir réfléchi, et s’il trouve les méfaits du coupable plus nombreux que les services rendus, qu’il cède à la colère »
Avec un nouveau décret du roi (un décret royal perse ne peut être abrogé), le plan d’extermination se retourne contre ceux qui l’avaient organisé. Haman est pendu avec ses fils (Esther 7,10, etc.).

Cet événement est à l’origine de la fête juive de Pourim.

La fête de Pourim, à l’époque de Flavius Josèphe, était encore observée en Judée comme dans toute la diaspora (Antiquités Juives 11.6.13). Le rapport que présente ce livre avec une fête juive aussi ancienne est aussi un argument en faveur de l’authencité de ce récit.

Image ci-contre : un tronc à aumônes pour la fête de Pourim, 1319, Espagne. © Musée d’art et d’histoire du judaïsme.

Une sorte de « dé » polygonal marqué de chiffres a été mis au jour, suggérant que les Perses pratiquaient le tirage au sort, comme lorsque Haman jette le sort pour déterminer la date du génocide (3, 7). Le mot « sort » (pûr en persan) explique d’ailleurs le nom de la fête juive de Pourim qui reste à ce jour l’une des grandes fêtes extrabibliques.
La fête est célébrée chaque année à la date du 14 adar (qui correspond, selon les années, au milieu des mois de février ou mars dans le calendrier grégorien). On se livre alors à des réjouissances et on partage des cadeaux, comme aux temps anciens.

Le « Rouleau d’Esther » fait du palais de Xerxès Ier à Suse le théâtre du récit biblique ; les premiers fouilleurs furent tentés d’identifier les vestiges mis au jour avec ce récit, mais les découvertes étaient trop incomplètes ; aujourd’hui il paraît probable que le palais de Darius, achevé par Xerxès Ier, restauré en 400 avant J.-C. par Artaxerxès, brièvement occupé par Alexandre le Grand, est bien le palais décrit par l’auteur du livre d’Esther, comme en témoigne la description qu’il fait de la Porte, des appartements royaux, des jardins, en accord avec les découvertes archéologiques.

JImage ci-contre : le mausolée attribué, selon la tradition, à Esther et à Mardochée à Hamadan, Iran. Il est quelquefois attribué aussi à Sushan-Dukht, épouse juive du roi sassanide Yazdigird (399-420). C’est le plus important centre de pèlerinage juif en Iran. © Philippe Chavin.

Néhémie

Mention de Suse dans le livre de Néhémie

Le livre de Néhémie mentionne également Suse et sa citadelle.
Néhémie était Échanson royal au service du roi de Perse Artaxerxès Ier (environ 465-424 avant J.-C.). Selon Hérodote, le roi ne boit que de l’eau du fleuve Chaour qui coule près de Suse ; cette eau, bouillie, est transportée dans des vases d’argent ; elle avait des propriétés diététiques reconnues, mais si les récipients sont réservés au seul usage du roi c’est aussi pour le protéger d’un empoisonnement. Il en était de même pour son vin qui est servi par le grand Échanson royal selon les règles immuables de l’étiquette. Selon l’historien grec Xénophon, « il verse proprement le vin dans la coupe et, en la tenant avec trois doigts, la présente au buveur de façon qu’il puisse la prendre très facilement » ; il fait aussi office de goûteur, car « chaque fois qu’il lui présente la coupe, y puisant avec le cyathe (petit récipient pourvu d’une seule anse), il se verse quelques gouttes dans la main gauche et les avale, de façon que, s’il avait versé du poison, cela ne lui profitât pas ». D’où l’importance de l’Échanson royal, fonction pour laquelle on choisit des hommes réputés fidèles, tel Néhémie à la cour d’Artaxerxès 1er (Néhémie 1,11).
Le livre de Néhémie commence par la réception de mauvaises nouvelles de Jérusalem, décrivant le mauvais état des murailles de la ville et la détresse de ses habitants. Néhémie obtient l’autorisation du roi Artaxerxès de se rendre à Jérusalem, avec le statut de gouverneur de Judée. Il s’y rendra à deux reprises.
Arrivé la première fois sur place, il incite le peuple à reconstruire les remparts (Néhémie 2,17). Néhémie est contraint de les armer à cause de l’opposition des Samaritains, des Ammonites, des Asdodiens et de réprimer la cupidité de certains Judéens qui oppriment leurs compatriotes pauvres.
Les livres d’Esdras et de Néhémie sont liés. Esdras est un « scribe versé dans la Loi de Moïse, donnée par l’Eternel, le Dieu d’Israël » (Esdras 7,6) son livre met l’accent sur la reconstruction du Temple de Jérusalem, le rétablissement de la fête des tabernacles ainsi que de la Loi ; Néhémie assure la reconstruction des remparts qui fut achevée en 52 jours (Néhémie 6,15). Dans le récit d’Esdras apparait le nom de Zorobabel (ou Scheschbatsar), prince de Juda, à qui Cyrus II remet tous les trésors pillés par Nabuchonodosor II lors de la destruction du Temple en -586 pour les ramener à Jérusalem (Esdras 1,7-11). On y trouve encore les noms d’Aggée et de Zacharie (Esdras 5,1).

Esdras, Néhémie et Esther forment dans le canon les trois derniers livres historiques de l’Ancien Testament →

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