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Bible, Histoire, Archéologie

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Massada, la position

Des Hasmonéens à Hérode Ier le Grand, 
de 138 à 4 avant J.-C.

Sommaire:

L’histoire

Forteresse bâtie en plein désert, Massada possède une histoire qui frappe les imaginations et les consciences. Nous verrons dans ce premier volet quelle fut l’importance de ce site à l’époque de l’indépendance hasmonéenne puis sous le long règne du roi Hérode le Grand.

Une vue aérienne de Massada
Les falaises du côté est sont hautes d’environ 450 mètres ; à l’ouest, d’une hauteur d’environ 100 mètres.  On y distingue la rampe qui servit aux Romains d’accéder au site après un long siège. © Frachtenberg.

Introduction

Massada c’est déjà un site naturel incroyable. Vaste rocher suspendu entre ciel et terre, de ses hauteurs on domine toute la région d’un regard. Élevé à pic sur près de 400 mètres au-dessus du niveau du sol sur son flanc est et de plus de 100 mètres à l’ouest, le plateau découpé par le temps comme une vaste table au contour rhomboïdal, s’étend sur 600 mètres du nord au sud et sur 300 mètres d’est en ouest. Ce plateau, balayé par les vents provenant du désert de Judée et se jetant vers la mer Morte puis le pays de Moab, a survécu dans un environnement particulièrement hostile, car il n’y a pas d’eau. Il fallut toute l’ingéniosité voire la folie des hommes pour faire venir de l’eau dans ce site isolé, afin de bâtir une forteresse et un palais.
Le seul auteur antique qui nous ait laissé dans ses livres de longues descriptions du site à travers les siècles est Flavius Josèphe. À défaut d’avoir vraiment le choix, il sera notre guide. Nous serons secondés par l’archéologie et les travaux retentissants du pionnier de l’exploration du site Yigaël Yadin de 1963 à 1965.

Massada et les Hasmonéens, de 168 à 37 avant J.-C.

Massada c’est aussi le paradigme d’une histoire complexe, le témoin des grandes étapes du royaume juif pendant les près de trois siècles qui secouèrent la région des Hasmonéens aux Romains (de -168 à +73/74).
Les premières occupations du site repérables par l’historien et l’archéologue remontent à l’époque des Hasmonéens, époque qui vit s’affronter les armées séleucides interdisant le culte juif à celles obéissant à une famille juive, Matthatias et ses fils, fermement résolue à s’opposer à l’édit de persécution et aux interdictions religieuses. Guerre de religion ? Ne faisons pas d’anachronisme. Guerre d’indépendance ? D’une certaine manière, en tout cas, cette lutte vit sur plusieurs générations, appelées commodément sous le nom d’Hasmonéens, la renaissance d’un État juif. Cet État s’organisa et s’appuya sur tout un réseau de fortins et de forteresses.
La question reste encore de savoir qui a bâti le premier une forteresse sur ce plateau désolé. Flavius Josèphe parle d’un certain Jonathan. S’agit-il de Jonathan, frère de Judas, surnommé Maccabée, qui prit le pouvoir en -160, et dont Flavius Josèphe se revendiqua être un descendant direct ? Mais comment expliquer alors que les textes soient muets sur le contrôle de cette zone par ses troupes ? Flavius Josèphe situe son action militaire beaucoup plus au nord, dans le voisinage de Jérusalem ou encore à Tekoa au sud de Bethléem. Notons toutefois que Jonathan Maccabée, en pleine guerre avec les Séleucides, héritiers d’Alexandre le Grand, renouvela en -143 le traité d’alliance et d’amitié avec Rome, la puissance montante du moment en Orient. Aux yeux de l’historien, il ouvrait la porte à une action ultérieure des Romains dans la région qui verra l’annexion de la Judée à leur Empire.
D’autres chercheurs identifient le Jonathan cité par Flavius Josèphe à Alexandre Jannée, lointain descendant de la famille des Maccabées, dont le nom en hébreu était Jonathan. Les pièces de monnaie frappées à son époque et retrouvées sur le plateau de Massada ou un document exhumé à Qumrân le dénomment explicitement sous son nom juif. Son long règne guerrier (-103 à -73) lui a permis d’étendre de manière significative le royaume juif et de prendre ainsi le contrôle de la région située au sud de Massada. De la sorte, la citadelle devait probablement fonctionner comme un des verrous de la frontière juive méridionale. En effet, au sud, dans le Néguev, les Nabataéens disparaissent. Les routes reliant Pétra à Gaza semblent avoir été coupées à ce peuple par Alexandre Jannée. Ils ne pourront y revenir que sous le règne d’Hérode vraisemblablement avec son accord, moyennant des taxes sur le commerce du marché aux épices venant d’Arabie, source d’immenses revenus.

Massada et Hérode Ier le Grand, de 37 à 4 avant J.-C.

La deuxième phase d’occupation du site correspond au règne d’Hérode (- 37 à – 4). Une petite parenthèse historique est nécessaire pour comprendre la venue d’Hérode sur ce site.
À la mort d’Alexandre Jannée en -73, le vaste royaume hasmonéen, confié à sa jeune veuve Salomé, éclate en – 67 sous la pression de la rivalité des deux fils, Hyrcan et Aristobule. C’est précisément à cette date que Pompée, général en chef romain, qui est en Orient pour chasser les pirates, est sollicité par les protagonistes et intervient comme arbitre du conflit fraternel. Il prend Jérusalem à l’automne – 63 et confie le pouvoir à Hyrcan, conseillé notamment dans ce choix par Antipater l’Iduméen, le père d’Hérode. La Judée tombe sous le contrôle de Rome.
Du meurtre d’Antipater (en – 43), victime des complots sanglants qui frappent les deux branches de la famille hasmonéenne, à la prise de contrôle du royaume de Judée par l’inconnu Hérode, il se passe six longues et terribles années, marquées par le sceau de la mort. Hérode, dans ces années indécises, passa plusieurs fois devant Massada. Une fois pour venger le meurtre de son père en assiégeant la citadelle pour finalement la prendre, alors qu’elle était déjà considérée comme la mieux défendue de Judée. Une autre fois, lors de sa fuite devant Antigone, fils d’Aristobule, qui avait juré sa mort. Dans cette fuite éperdue, il crut perdre sa mère, à l’endroit du futur site de l’Hérodium, voulut se donner la mort, mais finalement dans un sursaut, vainquit l’armée ennemie partie à ses trousses et se réfugia à Massada avec toutes ses troupes. C’est là qu’il laissa une partie de ses proches, sa mère, sa sœur, sa fiancée, le temps pour lui d’aller à Rome et d’obtenir la légitimité du Sénat romain. Il n’allait pas oublier ce refuge efficace.
En – 37, Hérode est roi au prix d’immenses pertes et de traumatismes profonds qui le hantèrent. Il bâtit un site incroyablement ingénieux, dans les collines au sud-est de Jérusalem en souvenir de sa victoire contre Antigone, ce fut l’Hérodium où d’ailleurs il se fit inhumer. Quant à Massada, qui avait été pour lui et ses proches une place sûre, il la modernisa pour en faire outre une forteresse mieux gardée, un palais luxueux avec bains…. en plein désert !
C’est ce miracle de la technique déjà très sophistiquée des ingénieurs antiques que nous allons examiner maintenant.

Massada, la forteresse du désert

L’aspect de la Massada antique était d’abord celui d’une forteresse bâtie sur un roc aux pentes vertigineuses. Entourée d’un double mur, d’une hauteur de six mètres d’après Flavius Josèphe, et protégée par 37 tours, hautes de 25 mètres, Massada était percée de quatre portes. Deux d’entre elles conduisaient au réseau de citernes d’eau bâties à flanc de pente. Deux autres conduisaient à l’extérieur du site. La piste du Serpent à l’est, qui zigzaguait sur l’à-pic de 300/400 mètres et la piste de l’ouest, recouverte en grande partie par les travaux de terrassement romain en +73/74 destinés à prendre la cité juive. Le flanc occidental, au dénivelé moins élevé, était le point faible du site. C’est de ce côté naturellement qu’un siècle après les constructions, les troupes de Rome allaient l’attaquer. Et ce n’est pas la tour bâtie par Hérode sur le chemin ouest à 500 mètres du sommet qui put stopper longtemps leur élan.

Les falaises du côté est, qui surplombent la mer Morte, sont hautes d’environ 450 mètres ; à l’ouest elles dominent la vallée d’une centaine de mètres. L’accès pédestre au site est difficile. Il s’agit d’une mesa, plateau pratiquement plat qui s’étend sur une quinzaine d’hectares flanqué de falaises abruptes. Il a la forme d’un triangle d’environ 600 mètres sur 300. © Boris Diakovsky. 68509717.

 

Massada et l’eau

Mais cette forteresse du désert n’aurait été qu’une coquille vide sans grand intérêt militaire s’il n’y avait eu tout un système de conduite et de stockage des eaux. Il fallait compter bien plus que sur les rares pluies d’hiver pour faire vivre Massada. Et même si Hérode, pas encore roi lors de sa fuite devant Antigone, avait été témoin du miracle d’un orage inespéré qui avait rempli les réservoirs d’eau du fort, il n’avait, semble-t-il, pas oublié que ce site n’était réellement défendable qu’à la condition de repenser le système d’acheminement des eaux de pluie.
Il fit construire plusieurs séries de citernes taillées dans la roche à flanc de plateau, à 80 et 130 mètres du sommet, dont la contenance totale s’élevait à 36.000 mètres cubes. Elles étaient alimentées par un astucieux système de barrage, de canaux et d’aqueduc permettant que les brusques montées des eaux des nahals (ravins ou canyons ) voisins en hiver viennent remplir les réservoirs. Il y avait ensuite deux chemins qui menaient des citernes vers le sommet. Des ânes devaient certainement emprunter ces chemins, remonter la pente raide pour déverser leur précieuse cargaison dans un astucieux réseau de canaux débouchant sur les différents réservoirs disséminés sur le vaste plateau. Ceux-ci, d’ailleurs devaient, de temps à autre, pendant l’hiver, comme lors de l’épisode mémorable d’Hérode, bénéficier directement du cadeau du ciel. Ainsi, après de savants calculs, entre 10 et 15 000 mètres cubes d’eau pouvaient être stockés sur le plateau et étaient accessibles directement. Ce qui faisait plus de 30 millions de litres disponibles en tout sur ce plateau !

Massada et sa villa vertineuse

Hérode voulut faire de ce site fortifié un lieu de villégiature et de détente. Il y édifia de sompteux monuments. S’inspira-t-il des écrits de Vitruve, son contemporain ? En tout cas, les édifices encore debout malgré les outrages du temps témoignent d’un luxe et d’une technique que les archéologues retrouvent à Pompéi. C’est dire la référence ! En près de 20 ans, de -30 à -10, la physionomie du plateau changea.
Hérode et son équipe d’architectes, manifestement influencés par les écoles romaines et grecques, conçut une villa bâtie au bord du vide. Profitant du dénivelé du terrain au nord du site, les ingénieurs se lancèrent hardiment dans un projet échevelé, faire un monument sur trois niveaux correspondant à chaque fracture du plateau et relié par un escalier longeant la paroi. Seule partie du plateau à être moins exposée au soleil brûlant et épargnée par les vents violents du sud, il fallut toute l’ingéniosité et la technique des architectes du moment pour bâtir ici un havre de paix avec vue sur mer et désert. Ni le temps, ni la guerre, ni les tremblements de terre n’ont entamé les fondations de cette somptueuse villa qui se visite encore aujourd’hui.
L’étage supérieur correspondant au secteur résidentiel était divisé en deux parties : quatre chambres royales aux mosaïques typiquement italiennes – dominées par le blanc agrémenté de série d’hexagones noirs – donnant sur un portique à colonnade semi-circulaire ouvert sur le vide. Le plan général et la décoration de ce niveau se retrouve dans la villa de Marcus Agrippa, un de ses amis proches, située sous la villa Farnèse à Rome. Un escalier à l’ouest permettait d’accéder aux niveaux inférieurs consacrés aux réceptions.

Image ci-contre : de magnifiques mosaïques, parmi les plus anciennes d’Israël. © danah79.

A l’étage intermédiaire, 20 mètres en dessous, était dessiné un vaste bâtiment circulaire dont les fondations et quelques chapiteaux ont survécu. Il devait s’agir là aussi d’un édifice à colonnades, de genre tholos au format hellénistique, ouvert vers le nord. De l’autre côté de l’étage, côté sud, à partir des indices laissés dans le mur, certains chercheurs ont proposé la reconstitution d’une bibliothèque.
On accédait ensuite au dernier étage, 15 mètres plus bas, par un escalier invisible de l’extérieur. Partie la plus effilée du promontoire, ce niveau correspondait à une vaste plate-forme artificielle reposant sur des murs de soutènement allant jusqu’à 25 mètres de haut ! Au centre, une cour richement décorée de panneaux imitant les différents marbres. À l’est, Hérode se fit aménager des bains privés donnant sur 300 mètres de dénivelé.
Tout cet édifice démontre la folie des grandeurs du roi Hérode. Mais ce n’est pas tout !

Massada et les bains

Pouvons-nous imaginer en plein désert, dans une forteresse édifiée au sommet d’un nid d’aigle, des thermes, dont la technique de construction atteint les sommets italiens ? Le décor, la technique de construction, la proximité et l’inscription du bâtiment dans un même axe que la villa nord en font un édifice très important de Massada. Organisé d’après les cinq pièces traditionnelles, palaestra (péristyle) apodyterium (vestiaires), tepidarium (pièce tiède), frigidarium (pièce froide), caldarium (pièce chaude), l’eau provenait du savant réseau de canalisation connecté aux citernes. C’est ce type de construction dont raffole Hérode au point de l’installer dans ses différents palais à Jéricho, à Cypros, à Hérodium. Les archéologues ont même pu observer que leur technique de construction est toujours romaine, reprenant à la lettre les instructions de Vitruve qui conseillait pour le caldarium un sol légèrement pentu vers la chaudière avec des tuiles pour les murs et des piliers pour le double plancher de l’hypocauste aux formats strictement prédéfinis.
La construction des thermes publics connaissent précisément en cette période une pleine vitalité en Italie et à Rome en particulier. La journée du Romain se terminant vers midi, il se rendait aux thermes pour se laver, se raser, transpirer, se faire masser pour se détendre, être plus beau. C’est aussi un lieu éminément social où l’on bavardait, faisait des affaires, rencontrait son réseau. Hérode reprit la mode du moment à Rome et comprit que ce temps passé dans les bains pouvait prolonger sa santé. Recouvert d’huile parfumée, après avoir franchi le tepidarium, l’homme antique pouvait transpirer et éliminer la crasse en se rendant au caldarium dont la température montait jusqu’à 40° degrés. Là, il pouvait accélérer le processus de transpiration en buvant. Puis, une fois bien fatigué par ces fortes chaleurs, il se rendait à nouveau au tepidarium pour se faire masser par un esclave et se faire enduire d’onguent avant de se réfugier au frigidarium où la peau se raffermissait sous l’effet du froid. Plus qu’un moment de détente et de loisir, les thermes participaient d’un mode de vie.
Ainsi Hérode démontrait dans ses constructions grandioses en Judée, à quel point il attachait de l’importance à vivre le mode de vie à la romaine, lui qui avait passé plusieurs années dans l’Urbs. Ce mode de vie concernait aussi les arts de la table.

Massada et les plaisirs de la table

Difficile de croire que cette forteresse hébergeait de vastes entrepôts remplis de denrées précieuses. Quelle ne fut pas la stupéfaction des archéologues de découvrir dans ces magasins aux pierres pesant chacune entre 200 et 250 kg et dont l’élévation allait jusqu’à plus de trois mètres de haut, de vieilles amphores de vin antique. Mais attention, pas n’importe lequel ! Du vin réputé d’Espagne, de Grèce et d’Italie ! Des crus de la région de Brindisi et de Campanie, de l’Anineum, déjà vanté à l’époque bien lointaine de Caton l’Ancien (fin IIIe, début IIe siècle avant J.-C.) ou encore du Tarantinuum, mais aussi du Massicum excellens. Ces amphores sont datées et marquées pour certaines d’entre elles du titre royal Regi Herodi Judaico. Un peu plus d’un demi-siècle après qu’Hérode ait passé cette commande, la première liste connue par les historiens de crus classés se découvre dans l’œuvre de Pline. Nombre de ceux trouvés sur Massada font partie des plus recherchés. Il n’était manifestement pas question de boire n’importe quoi sous prétexte d’être en plein désert.
Mais il n’y avait pas que du vin à la table des rois. Des pommes de Cumes, du garum espagnol, c’est à dire de la sauce de poisson, élément de base de la cuisine romaine, ont été retrouvés dans ces entrepôts. Ont été aussi découvertes des jarres portant en hébreu la description de contenus très divers, du poisson, de la viande, des figues sèches, des amandes, des abricots et même de ce baume aujourd’hui disparu que l’on trouvait le long de la mer Morte en particulier à Ein Gedi, à quelques kilomètres de là.
Bref, ces entrepôts témoignaient à nouveau de l’extrême soin porté au détail, à la qualité de vie qui pouvait être menée à plus de 300 mètres du sol en plein désert. Rien ne devait être négligé et tout devait être fait pour oublier les contraintes du lieu et ce, bien que ce luxe ait toujours été savamment gardé par toutes sortes d’édifices défensifs. Ainsi, une tour dominait le sud du complexe des magasins. Un mur séparait la villa sur trois étages du reste des constructions voisines, c’est à dire des thermes publics et des entrepôts. Car même si Hérode voulait oublier par cette débauche de moyens la fonction première de ce site, il s’agissait d’abord d’une citadelle qui devait être prête à subir un siège ou pire un assaut.

Massada et le palais

Si le visiteur s’éloigne un moment de la partie nord du site, riche en bâtiments, son regard ne peut qu’être attiré par tout un complexe architectural qui domine le plateau à l’ouest et que les archéologues ont commodément appelé le « palais ouest ». Il est bâti sur la partie haute du plateau permettant ainsi d’embrasser du regard l’ensemble du site ou presque. Car Hérode, à Massada, comme dans plusieurs autres sites, lorsqu’il bâtissait une solide forteresse, n’entendait pas sacrifier les lieux de détente et de plaisirs, mais aménageait aussi bien évidemment un espace réservé à l’exercice de son pouvoir. Ce bâtiment est précisément ce lieu de pouvoir, environné d’autres édifices, plus petits, au nombre de cinq et bâtis sur les mêmes caractéristiques que le précédent. Ils étaient vraisemblablement destinés au logement des membres de la cour.

]mage ci-contre : vestiges d’un colombarium de Massada. Niches à «pigeons» où, selon certains historiens, étaient entreposées des cendres funéraires. © David Shankbone.

Le palais ouest-est l’édifice le plus vaste et le plus somptueux de Massada. Sa superficie fait presque 4000 mètres carrés. Sa décoration et son organisation spatiale correspondent à ce que pouvaient offrir de mieux les architectes et artisans de l’époque. Sans rentrer dans des détails qui nous amèneraient trop loin (voir bibliographie à la fin du troisième article), notons simplement que la succession d’espaces, organisés à partir de cours aménagées, est de culture typiquement hellénistique et correspondait à ce que l’on pouvait retrouver dans d’autres palais d’Hérode et des grandes maisons de l’époque en Grèce et en Orient. Dans cet immense bâtiment ont été retrouvés des entrepôts, toute une aile réservée au fonctionnement du palais – une aile de services -, à nouveau des bains, de superbes mosaïques, parmi les plus anciennes d’Israël, et évidemment, une salle où devait s’exercer le pouvoir, appelée salle du trône. Le palais avait au moins un autre étage puisqu’ont été retrouvés des escaliers qui devaient donner sur une vue assez saisissante du désert de Judée.
Retenons donc que l’immense chantier d’Hérode à Massada s’inscrivit de manière évidente dans une vaste politique architecturale de la royauté, qui entendait s’offrir ce qu’il y avait de mieux. Ces gigantesques chantiers, décrits par Flavius Josèphe et redécouverts par les archéologues modernes, apportent de nouveaux éclairages sur les techniques architecturales antiques et leurs modes de diffusion en Orient. Ils parlent aussi beaucoup de l’homme, initiateur de ces projets, et de ses ambitions.).

Conclusion

L’inventaire – somme toute assez rapide – des édifices bâtis par Hérode sur le plateau de Massada cache mal le malaise de l’historien quand il s’agit d’expliquer ce que le roi Hérode a cherché à y faire.
Pour commencer à comprendre, il faut d’abord prendre du recul et remarquer que l’œuvre architecturale d’Hérode dans son ensemble est très impressionante. On y retrouve toujours des constructions savantes qui amènent de l’eau. L’eau est le symbole du luxe. Les historiens observent dans ces chantiers royaux une catégorie très particulière, le palais-forteresse. Ils y notent le souci constant des architectes antiques de faire de ces sites des zones inexpugnables, très bien protégées, dans lesquels le roi pouvait vivre dans le plaisir avec peu de limites. Et ces limites, si elles se présentaient, devaient être repoussées. Hérode a passé beaucoup de temps dans ses palais de Jéricho et notamment dans son palais-forteresse de Cypros, ou encore à l’Hérodium. Mais Massada, par son exceptionnelle préservation et par son caractère apparemment désolé, loin de tout, dans le désert, est un témoin privilégié du sommet architectural que connaît cette période, de la débauche de moyens déployés pour l’assouvissement du plaisir du roi. Et cette volonté du prince allait jusqu’à redessiner ce que la nature avait façonné pendant des millions d’années.

Image ci-contre : Yigaël Yadin (1917-1984) archéologue, homme politique et militaire de haut rang en Israël. Il était le fils du grand chercheur Éléazar Sukenik. © Image Archaelogical Photographs Yadin’s Productions.

Mais pourquoi naît le sentiment, à lire Flavius Josèphe ou les comptes-rendus de fouilles, qu’il s’agissait moins pour Hérode de fabriquer des points forts insérés dans une ligne stratégique défensive contre des ennemis extérieurs que d’édifier des espaces fermés pour se protéger d’ennemis de l’intérieur ? Flavius Josèphe, reprenant les travaux de Nicolas de Damas, l’historien et biographe d’Hérode, déclare que la raison des aménagements de Massada était d’abord pour se protéger de son propre peuple (Antiquités Juives XIV, 354) mais peut-être aussi de la cruelle égyptienne Cléopâtre, protégée un temps par Marc Antoine, qui n’eut de cesse de vouloir le tuer pour s’emparer de son royaume. Nous le savons par Flavius Josèphe et d’autres auteurs antiques, la vie d’Hérode a été tourmentée, ses ennemis ont été légion et la suspicion semble avoir dominé son règne. On ne renverse pas aisément, même avec l’appui des Romains, une dynastie – les Hasmonéens – installée depuis plus d’un siècle. Ces palais-forteresses dont, Massada est le plus emblématique, sont les témoins d’une époque de tensions où le génie architectural se mit au service des caprices du puissant du moment. C’est cet antagonisme entre les troubles politiques et la puissance déployée de l’époque qui attira tant d’historiens à reprendre une histoire d’Hérode à partir des écrits de Flavius Josèphe. Et dans l’écriture récente de cette histoire, Massada joue un rôle éminement paradigmique, même si Hérode ne semble avoir passé en fait que peu de temps sur ce plateau désolé, mais tellement bien aménagé.

Pour en savoir plus

Mireille Hadas-Lebel, Rome, la Judée et les Juifs
Collection Antiquité/Synthèses.
Éditions Picard, 2009.