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Bible, Histoire, Archéologie

Bible,
Histoire,
Archéologie

Les références bibliques concernées

Trois lectures indispensables pour une bonne compréhension de ce sujet si sensible :

… Quand tu t’approcheras d’une ville pour l’attaquer, tu lui proposeras la paix. Si elle te répond par la paix et t’ouvre ses portes, tout le peuple qui s’y trouvera te sera tributaire et asservi. Si elle n’accepte pas la paix avec toi et qu’elle te fasse la guerre, alors tu l’assiégeras ; l’Éternel, ton Dieu, la livrera entre tes mains et tu en feras passer tous les mâles au fil de l’épée. Mais les femmes, les enfants, le bétail, tout ce qui sera dans la ville, tout son butin, tu le pilleras et tu mangeras le butin pris sur tes ennemis que l’Éternel, ton Dieu, t’aura livré. C’est ainsi que tu agiras à l’égard de toutes les villes qui sont très éloignées de toi et qui ne font point partie des villes de ces nations-ci.
Mais dans les villes de ces peuples dont l’Éternel, ton Dieu, te donne l’héritage, tu ne laisseras la vie à rien de ce qui respire. Car tu les voueras à l’interdit, les Hittites, les Amoréens, les Cananéens, les Phéréziens, les Héviens et les Yebousiens, comme l’Éternel, ton Dieu, te l’a commandé, afin qu’ils ne vous apprennent pas à imiter toutes les horreurs qu’ils font pour leurs dieux et à pécher contre l’Éternel, votre Dieu…
(Deutéronome 20, 10-18).
…. L’Éternel parla à Moïse dans les plaines de Moab près du Jourdain, vis-à-vis de Jéricho. Il dit : Parle aux fils d’Israël, et tu leur diras : Lorsque vous aurez passé le Jourdain (pour entrer) dans le pays de Canaan, vous déposséderez devant vous tous les habitants du pays, vous ferez disparaître toutes leurs idoles de pierre, vous ferez disparaître toutes leurs images en métal fondu et vous détruirez tous leurs hauts-lieux. Vous prendrez possession du pays et vous vous y établirez ; car je vous ai donné le pays, pour qu’il soit votre propriété […] Mais si vous ne dépossédez pas devant vous les habitants du pays, ceux d’entre eux que vous laisserez seront comme des échardes dans vos yeux et des aiguillons dans vos côtés, ils seront vos adversaires dans le pays où vous allez vous établir. Et il arrivera que je vous traiterais comme j’avais résolu de les traiter… (Nombres 33, 50-56).
3  … Lorsque tu seras entré dans le pays que l’Éternel, ton Dieu, te donne, tu n’apprendras point à imiter les abominations de ces nations-là. Qu’on ne trouve chez toi personne qui fasse passer son fils ou sa fille par le feu, personne qui exerce le métier de devin, d’astrologue, d’augure, de magicien, d’enchanteur, personne qui consulte ceux qui évoquent les esprits ou disent la bonne aventure, personne qui interroge les morts. Car quiconque fait ces choses est en abomination à l’Éternel; et c’est à cause de ces abominations que l’Éternel, ton Dieu, va chasser ces nations devant toi. Tu seras entièrement à l’Éternel, ton Dieu. Car ces nations que tu chasseras écoutent les astrologues et les devins; mais à toi, l’Éternel, ton Dieu, ne le permet pas… (Deutéronome 18, 9-13).
Une vue du Jourdain aujourd’hui (détail).
Le Jourdain (en arabe : نهر الأردن Nahr al-Urdun qui veut dire descendre, en hébreu ירד Yarad, mais aussi נהר הירדן, Nehar haYarden qui veut dire la « Rivière de la Peine, du Jugement ») est un fleuve qui s’écoule sur 360 km du mont Hermon au Liban jusqu’à la mer Morte. Sa vallée est la plus basse du monde, puisqu’il se jette dans la mer Morte à l’altitude de 421 mètres sous le niveau des océans. @ yosefus 1746023936.

Au préalable

Avant de passer à l’étude du contexte historique de la conquête de Canaan, quels sont les paramètres qui connotent les critères de l’Éternel ? D’abord, une attitude universelle envers le péché et les pécheurs en sanctionnant le péché, mais en offrant le salut par la foi et le sacrifice d’une victime expiatoire ; ensuite l’objectivité et l’impartialité même vis-à-vis d’Israël qui n’a pas toujours été approuvé.
Enfin, la déclaration de Deutéronome 20, 10-18 relève plus de l’omniscience de Dieu et de la prédiction que de l’obligation. En effet, Dieu, sachant à l’avance que beaucoup n’accepteront pas l’offre de paix, déclare ces choses au futur et non à l’impératif.

Datation

Les plus anciennes traces archéologiques relatives à la conquête de Canaan remontent vers la fin du XIIIe siècle avant notre ère (fin du Bronze récent ou début du Fer I). Cette période est généralement considérée comme celle de l’émergence d’Israël, même si une minorité de chercheurs (Wood, 1990) la font remonter à une période plus ancienne, le XVe ou le XIVe siècle avant notre ère (Bronze récent).

NOTE IMPORTANTE : DANS LA LECTURE DES TEXTES, RESTER DANS LE CONTEXTE DES MOEURS DE L’ÉPOQUE.

les étapes de la conquête transmises par la Bible

Le peuple d’Israël commence sa marche vers Canaan sous la direction de Moïse. Il se heurte au roi cananéen d’Arad qui lui livre bataille mais est finalement vaincu à Horma. Israël dévoue par interdit « … eux et leurs villes… ».

Le peuple d’Israël contourne le pays d’Édom (Nombres 21,3-4). Il affronte Sihon, roi des Amoréens qui lui interdit le passage sur son territoire. « Israël le frappe du tranchant de l’épée et s’empare de son pays depuis l’Arnon jusqu’au Jabbok […] et s’établit dans toutes les villes des Amoréens… » (Nombres 21,24-25).

Les enfants d’Israël « campent maintenant dans les plaines de Moab, au-delà du Jourdain, vis-à-vis de Jéricho » (Nombres 22,1). Le contact des Hébreux avec les Moabites débouche sur « la débauche avec les filles de Moab ; elles invitèrent le peuple aux sacrifices de leurs dieux, et le peuple mangea, et se prosterna devant leurs dieux… » (Nombres 25,1-2). La sanction de l’Éternel est terrible et immédiate ; les Hébreux qui s’étaient compromis avec les Moabites et les Madianites sont exécutés (Nombres 25,4 ; 25,16).

Image ci-contre : une stèle représentant une des divinités cananéennes « Baal au foudre ». © Théo Truschel/Musée du Louvre.

Après la mort de Moïse sur le mont Nébo, c’est Josué qui prend la tête des opérations (Nombres 27,15-23).

Après de terribles représailles sur les Madianites (Nombres 31), le peuple d’Israël parvient maintenant sur la rive orientale du Jourdain, face à Jéricho.
Josué y envoie deux espions qui sont cachés par Rahab, la prostituée. La ville est prise, brûlée avec tout ce qui s’y trouvait. Seules Rahab et sa famille seront sauvés selon la promesse qui lui avait été faite. La ville d’Aï connait le même terrible sort que Jéricho (Josué 8) et dans la suite de la conquête de Canaan, les ennemis d’Israël sont traités de la même manière (Josué 10). Il en est ainsi des cinq rois qui tentent de se cacher dans une caverne à Makkeda (Josué 5,24), de la ville de Libna avec son roi, ainsi que Lakis, Guézer, Églon, Hébron, etc. Toutes les villes sont frappées du « tranchant de l’épée » (Josué 10,35).

Les lecteurs, croyants ou non, restent perplexes – pour ne pas dire choqués – devant ce déferlement de violence à l’égard des peuples cananéens.
Où se trouvent la patience et la miséricorde de Dieu ?
Même une lecture étudiée dans le contexte des mœurs de l’époque soulève des questions auxquelles les croyants eux-mêmes semblent démunis pour répondre.

Une vue panoramique de Canaan aujourd’hui vue du sommet du mont Nébo. © vvoe 98271245.

Pourquoi cette conquête sanglante ?

Le statut d’Israël

La conquête résulte d’une promesse : l’Éternel rappelle à Abraham qu’il lui donne ce pays, à lui et à sa postérité, que le peuple d’Israël sera asservi et opprimé pendant 400 ans, mais à la quatrième génération, ils reviendront ici (Genèse 15,16). Les versets 19 à 21 donne la liste des sept peuples de Canaan. Il a donc fallu que la civilisation cananéenne se soit dégradée à tel point qu’Israël prenne sa place.

La nature d’Israël : un peuple choisi

Dieu a choisi Israël, petit peuple insignifiant alors « vous êtes les moins nombreux de tous les peuples », mais peuple disponible pour le projet de Dieu, qui est le message du monothéisme. Aussi dit-il : « c’est vous que j’ai aimés parmi toutes les familles de la terre » (Amos 3,2) et encore : « car tu es un peuple saint pour l’Éternel ton Dieu et c’est toi qu’a choisi l’Éternel ton Dieu » (Deutéronome 7,6-9). Le mot saint, kaddoch, signifie consacré, ou ailleurs, ségoula, peuple spécial, mis à part. Jamais le peuple juif ne fut un peuple de saints, mais il a été consacré collectivement en tant que peuple. Cette consécration le différencie d’un peuple ordinaire. La condition en est l’obligation d’observer la Loi et la révélation qu’elle proclame. C’est l’engagement pris par le peuple au Sinaï lors de la réception du message par Moïse. Dans la tradition juive, Dieu a proposé la Loi à tous les peuples mais seul le peuple d’Israël l’a accepté.

Image ci-contre : deux boucles d’oreille en or et en argent mises au jour dans l’autel hébraïque, sur le site du mont Ebal, daté du XIIe avant notre ère. © Université de Haïfa/Adam Zertal (1936-2015), avec son aimable autorisation.

Une terre de paganisme

Cet engagement est fragile, bien des épisodes le montrent (le veau d’or, l’idolâtrie dans les plaines de Moab…) et les sanctions tombent aussi sur Israël ; c’est le revers de la médaille de l’élection : « c’est vous seulement que j’ai aimés, c’est pourquoi je vous punirai de toutes vos fautes » (Amos 3,2).
Dieu dit encore : « Ce n’est pas parce que tu es juste… mais à cause de la méchanceté de ces peuples et afin d’accomplir la parole jurée à tes ancêtres … (Deutéronome 9, 4-5).

Les découvertes archéologiques nous rapportent que les différents peuples cananéens pratiquaient fréquemment les sacrifices d’enfants lors d’une épidémie, ou d’un siège. L’un des témoignages les plus terribles nous est rapporté dans l’histoire de Mésha, roi de Moab (2 Rois 3,26). Une coalition réunissant les rois d’Israël et de Juda attaque Mésha qui, voyant qu’il avait le dessous « … dans le combat, prit son premier-né, qui devait régner à sa place, et l’offrit en holocauste sur la muraille […] ».

Canaan est spirituellement la terre de tous les dangers. Les pratiques religieuses mêlant la multiplicité des idoles à la débauche, jusqu’aux sacrifices humains par le feu (rite de Moloch) et le niveau moral très bas risquent d’entraîner Israël : « n’allez pas vous corrompre… » (Deutéronome 4,16-20). La terre promise est une terre d’idoles et c’est un obstacle de taille sur la voie du monothéisme. D’ailleurs Moïse est conscient que l’idolâtrie sera le mal chronique d’Israël et que la punition l’atteindra plus tard sous la forme de l’exil (Deutéronome 4,27).

Une vue des anciennes ruines et murailles du site de Tell es-Sultan, mieux connues par certains comme celles de la ville de Jéricho du temps de la conquête. © Robert Hoetink 280109147.

Les prescriptions à respecter

L’Éternel communique à Moïse toute une série de prescriptions que le peuple devra mettre en œuvre lors de la conquête :  détruire les idoles et les lieux de culte, ne pas profiter des biens consacrés aux dieux locaux (pratique de l’interdit) (Josué 6,17 -19), pas de mariages mixtes, pas d’astrologie, ni d’évocation des morts, pas de rites mortuaires tels que les scarifications et rejet des sacrifices humains (Deutéronome 18,10-14). Le rejet de ces rites païens doit prévenir toute forme de syncrétisme, car : « … c’est à cause de ces abominations que l’Éternel, ton Dieu, va chasser ces nations devant toi…  » (Deutéronome 18, 12).

Le contexte historique

Dans le contexte de ces civilisations, ce sont les familles entières qui sont solidairement considérées, donc personne n’est épargné (ceci vaut aussi pour Israël lorsque Akan et sa famille sont sanctionnés pour n’avoir pas respecté l’interdit (Josué 7). L’idolâtrie, le culte des images et les autres formes de paganisme étaient inhérents au mode de vie des Cananéens ; les survivants auraient perpétué ces pratiques, au risque de corrompre le peuple d’Israël par assimilation.

Un Dieu patient qui fait miséricorde

Une promesse faite à Abraham

l’Éternel rappelle à Abraham qu’il lui donne ce pays, à lui et à sa postérité, mais seulement à la quatrième génération, 400 ans après « car l’iniquité des Amoréens n’est pas encore à son comble » (Genèse 15,16). Ce texte nous montre la patience de Dieu vis-à-vis des païens.

Un Dieu qui épargne

Un rappel important : lorsque Rahab, la prostituée, accueille dans sa maison les deux espions envoyés par Josué, ses propos sont éloquents (Josué 2,9-10), elle avoue explicitement que « … c’est l’Éternel, […] qui est Dieu en haut et en bas sur la terre… ». Tous les habitants de Jéricho avaient la possibilité, comme Rahab, de faire le même choix de reconnaître le Dieu d’Israël comme le seul vrai Dieu, de craindre la puissance de l’Éternel au lieu de vouloir mettre à mort les deux espions.
Le choix de Rahab fit qu’elle devint l’aïeule du roi David. Elle appartient à lignée messianique mentionnée dans les deux généalogies de Matthieu (1, 5-6) et de Luc (3, 31-32).
Josué, selon la tradition, proposait trois options aux Cananéens : quitter le pays, se soumettre, faire la guerre (Midrash Rabah). Le code de la guerre exigeait qu’on laisse à l’adversaire une chance de s’échapper, on ne devait assiéger une ville que de trois côtés au plus. Sept peuplades occupaient le pays et il fallait en principe les exterminer ; cependant, ni Josué ni ses successeurs n’appliquèrent à la lettre cet ordre d’extermination ; ainsi le peuple des Gabaonites, malgré son mensonge, aura la vie sauve (Josué 9). On sait aussi que de nombreuses populations cananéennes subsistèrent après la conquête.

Différents modèles de poteries mis au jour de l’autel hébraïque du mont Ebal que l’équipe du professeur Adam Zertal (1936-2015) date du XIIe siècle avant notre ère. © Université de Haïfa/Adam Zertal, avec son aimable autorisation.

Que dit l’archéologie ?

Les destructions

Nous constatons archéologiquement qu’un certain nombre de villes subirent une destruction violente à cette période ; le territoire était composé de petites cités-États dont la division et la faiblesse avaient été soigneusement entretenues par les Égyptiens avant la disparition de leur domination à la fin du Nouvel Empire. Les Israélites étaient des nomades, capables de lancer des raids et de prendre des villes par surprise, mais ils n’avaient pas de chars de guerre ni de machines de siège ; c’est pourquoi la conquête de villes ayant de solides murailles fut rare. Les Hébreux s’infiltrèrent plutôt dans des régions montagneuses peu peuplées et s’installèrent dans des dizaines de villages dont les fouilles en Samarie (l’ancien territoire de la tribu de Manassé) ont mis au jour des artefacts typiquement hébraïques (Professeur Adam Zertal, Département de l’archéologie de l’Université de Haïfa). Ils s’éparpillèrent sur des territoires distants (attribués à chacune des douze tribus) séparés par des îlots non israélites qui ne furent pas détruits. Cette spécificité géographique, entre autres, les a préservés de l’assimilation.

Synthèse

Le récit de l’entrée en Canaan rapporté dans la Bible insiste à travers de nombreux passages sur deux aspects fondamentaux, d’une part la promesse faite à Israël et d’autre part, l’abomination du paganisme pour la sainteté de Dieu. Ainsi lorsque l’Éternel dit à Abraham : « Toutes les nations de la terre seront bénies en toi… » (Genèse 12,3), l’objectif de la future conquête apparaît claîrement ici. Il annonce le salut qui doit se réaliser par l’intermédiaire d’un peuple préservé de l’idolâtrie. Dieu a choisi Israël dans ce dessein, son implantation en Canaan a conditionné la venue du Messie et l’offre d’un salut universel « à quiconque croit » (Jean 3,16) et non plus seulement aux Hébreux.