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Bible, Histoire, Archéologie

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Archéologie

L’ancienne cité de Pétra émerveille encore par ses monuments taillés dans la roche et son astucieux système hydraulique. Deux mille ans plus tard, Pétra reste l’un des sites les plus spectaculaires de l’Antiquité. Les Nabatéens, fondateurs de la cité, eurent une part active dans l’Histoire intertestamentaire (entre le Livre de Malachie et l’Évangile de Matthieu) surtout durant les périodes hasmonéenne et romaine.

Image ci-contre : l’explorateur suisse Johann Ludwig Burckhardt (1784-1817) dans une illustration de son époque. Domaine public.

La découverte

Le 22 août 1812, un homme, portant l’habit d’un bédouin, s’approche d’une brèche creusée depuis la nuit des temps dans la montagne aride du Wadi Moussa (la vallée de Moïse). Sous l’accoutrement de ce bédouin, se dissimule Johann Ludwig Burckhardt, un explorateur suisse âgé de 25 ans. Il fait route de Damas en Syrie vers l’Égypte, pour le compte de l’African Association britannique. Il avait entendu parler de l’existence d’une mystérieuse cité qui serait proche du Wadi Moussa ; mais la situation politique est tendue dans cette région sous contrôle ottoman mais parcourue par des tribus bédouines converties au wahhabisme et hostiles aux étrangers.

Image ci-contre : au débouché du Sîq, l’apparition du El Khazneh Fir’awn. © Marc Truschel

Au pied du massif, Johann Ludwig Burckhardt, accompagné de son guide, s’engouffre dans l’étroit défilé qui se présente à eux, le Sîq. C’est une faille naturelle et sinueuse, longue de 2 km environ. Elle serpente entre des parois de silice stratifiée, aux nuances rosées, saumon, safran, hautes en certains endroits de près de 120 mètres. Parfois les parois sont si proches (3 m) qu’elles cachent le ciel. Notre explorateur remarque les nombreuses stèles et niches contenant des bétyles et les étranges inscriptions qui ornent par endroits le corridor, mais aussi ces étonnantes canalisations en forme de rigoles creusées dans la roche pour recueillir les eaux de ruissellement.

Après une demi-heure de marche, en virant brusquement sur la gauche, se profile alors, entre les parois sombres du défilé, la façade majestueuse d’un monument rupestre sans pareil : El Khazneh Fir’awn, dit encore le «Trésor du pharaon», taillé dans le grès rose, haut de 43 m, richement orné de pilastres, de statues, de sculptures.
À cet instant, Burckhardt ignore le nom de la cité oubliée, ce n’est que parvenu au Caire, en consultant quelques textes d’auteurs anciens, qu’il identifie l’antique Pétra (de πέτρα petra, «rocher» en grec ancien ; البتراء Al-Butrāʾ en arabe). C’est la capitale des Nabatéens, un peuple aux origines mal définies, surgi des sables de l’Arabie, dont la civilisation connut son apogée au Ier siècle avant notre ère, avant de disparaître de la mémoire des hommes.

Plan du site nabatéen de Pétra →

Les premiers habitants de Pétra

Les Édomites
On estime que les Édomites, appelés aussi Iduméens dans les textes gréco-romains, viennent occuper le site de Pétra vers la fin du XIVe siècle avant notre ère après en avoir expulsé les aborigènes horiens (Genèse 14,6; 36,20-30). Le monument le plus ancien du site semble être un ancien temple édomite circulaire datant de cette époque : un imposant mégalithe sur lequel les Nabatéens ont reconstruit un de leurs édifices.
On sait peu de choses sur l’occupation de Pétra par les Édomites, mais ils ont laissé dans l’Histoire et l’archéologie le souvenir d’un peuple connu pour la qualité de ses textiles, de ses céramiques et une certaine maîtrise dans le travail des métaux. Des documents égyptiens, datant de la fin du XIIIe siècle et du début du XIIe avant notre ère, mentionnent leur existence. La Genèse les cite en dressant la liste d’une confédération de princes édomites régnant chacun sur leur cité (Genèse 36, 31-39). Contrairement aux Hébreux, les Édomites n’ont pas laissé de littérature semblable à la Bible qui nous rapporte que leur ancêtre fondateur serait Ésaü, le frère de Jacob, petit-fils d’Abraham (Genèse 36,1-19).

Images ci-contre : image du haut : le temple d’Ed Deir est le monument le mieux conservé et le plus grand de Pétra. © Marc Truschel. Image du bas : inscription funéraire nabatéenne, Musée du Louvre. © Théo Truschel.

Plusieurs passages de l’Ancien Testament rapportent un conflit permanent entre les Édomites et les Israélites.
Vers 845 avant notre ère, coalisés avec d’autres tribus arabes, les Édomites pillent le palais de Jérusalem. 50 ou 60 ans plus tard, le roi de Juda, Amasias s’empare de leur forteresse appelée Sela. En hébreu, Sela signifie «la roche» et désigne dans la Bible (2 Rois 14,7; Ésaïe 16,1) la forteresse édomite que les historiens ont longtemps identifié à Pétra où à la Bozra biblique. On s’accorde aujourd’hui à situer Sela plus au nord, à environ 10 kilomètres au sud de Tafila.
Vers 735 avant notre ère, les Édomites se libèrent de la tutelle du royaume de Judée mais deviennent vassaux de l’Assyrie, puissance dominante de la région aux VIIIe et VIIe siècle.
En 568 avant notre ère, ralliés au roi néo-babylonien Nabuchodonosor II, vainqueur de l’Assyrie, ils participent au siège de Jérusalem et à la destruction du Temple de Salomon. Un certain nombre de Judéens étant emmenés en exil à Babylone, les Édomites vinrent s’installer au sud de la Judée en abandonnant peu à peu le site de Pétra au profit des Nabatéens. Les troubles, les guerres et les déportations marquent la fin du royaume édomite.
Finalement, après la prise de Jérusalem par les légions romaines de Titus en 70 de notre ère, l’Histoire ne parle plus guère des Édomites.

Les Nabatéens

Les premières traces historiques des Nabatéens sont assez anciennes. D’après certains historiens ils seraient les Nahaitou mentionnés dans des inscriptions en cunéiformes et selon la Bible, leur ancêtre éponyme serait Nebaioth (ou Nebayot), l’aîné des fils d’Ismaël, fils d’Abraham.
Deux principales hypothèses se dégagent sur l’origine des Nabatéens : d’une part, une origine située au Nord-Ouest ou au Centre de l’Arabie, et d’autre part, une origine en Arabie du Nord-Est, près du golfe Persique. D’autres historiens placent même la région d’origine encore nettement plus au Sud.

Image ci-contre : une tombe rupestre anonyme dans la cité de Pétra. © Marc Truschel.

À l’époque de la domination assyrienne sur la région, notamment lors du règne de Téglath-Phalasar (vers 745-727 avant notre ère), les Hébreux donnent le nom de Nabata aux Araméens, puis plus tard, ce même terme est utilisé pour désigner les tribus arabes nomades qui paient un tribut à Assurbanipal (vers 669-626 avant notre ère). On peut avancer qu’après la chute de l’Empire assyrien remplacé par celui des Néo-Babyloniens, puis la chute du royaume de Juda et la déportation d’une partie de ses habitants en 586 avant notre ère, un vide politico-culturel se fait sentir dans la région.
Les Nabatéens occupent alors ce territoire et développent leur commerce en s’installant dans la région de Pétra. C’est en effet seulement à partir cette époque que l’on retrouve des inscriptions nabatéennes sur l’ancien territoire des Édomites. Il n’y a pas de date précise de cette migration, elle s’est sûrement étendue sur plusieurs dizaines d’années, mais les Nabatéens se rendent maître des côtes du golfe d’Aqaba et de l’important port d’Eilat sur la mer Rouge.
Le royaume arabe des Nabatéens émerge dans les zones en marge de la Syrie-Palestine. Il bénéficie des conflits permanents entre le royaume lagide en Égypte et le royaume séleucide en Syrie. Ceux-ci laissent le champ libre à des principautés indigènes, comme la Nabatène et la Judée des Hasmonéens. Mais l’irruption de Rome dans la région, au milieu du Ier siècle avant notre ère, conduit le royaume nabatéen à devenir un État client.

Le Grand Temple de Pétra. L’un des rares monuments nabatéens de Pétra construits en pierre et non
sculpté dans la roche. © Marc Truschel.

La situation géographique de Pétra

Son réseau routier
Le réseau de routes caravanières contrôlé par les Nabatéens traverse le désert arabique pour transporter jusqu’aux ports de Gaza et d’Alexandrie de l’encens, de la myrrhe, des épices et des aromates provenant de «l’Arabie heureuse» (aujourd’hui le Yémen). Un commerce prospère leur permet de s’enrichir et de fonder un royaume qui, à son apogée, englobe le nord de l’Arabie saoudite et la Jordanie actuels, le sud de la Syrie et le Néguev avant d’être annexé par les Romains en 106 de notre ère. C’est au carrefour de cette route caravanière unissant l’Arabie, l’Égypte et les ports de la Méditerranée que les Nabatéens construisent, au Ier siècle avant notre ère, leur capitale Pétra. Même si la plupart des monuments qu’on y a retrouvés à ce jour sont des tombes, Pétra n’est pas simplement une nécropole, mais une réelle cité, comportant des bâtiments publics, théâtres, temples, des marchés (voir plan de Pétra) et un remarquable système hydraulique.

Image ci-contre : le tombeau de la Soie surnommé ainsi en raison des couleurs moirées de la roche. © Marc Truschel.

À l’époque du roi nabatéen Obodas III (30-9 avant notre ère), leurs activités commerciales sont très diversifiées, et les richesses qu’ils ont accumulées leur permettent d’importer à Pétra des produits de luxe. Pour protéger ces richesses, il fallait un site sécurisé, naturellement fortifié. Le lieu, entouré de hautes murailles rocheuses, à l’abri des regards, semble inexpugnable.
Pourtant, la prospérité de la ville commence à décliner au IIIe siècle de notre ère au moment où le commerce entre l’Arabie et l’Occident prend la voie de l’Euphrate, au grand bénéfice de Palmyre.

La situation actuelle

Dans le recensement le plus complet jamais réalisé jusqu’à présent, l’archéologue Laïla Nehmé (CNRS), spécialiste de l’épigraphie nabatéenne et nord-arabique, dénombre 630 tombeaux, 3200 monuments rupestres et plus de 1000 inscriptions réparties sur un rayon de 10 kilomètres carrés. À l’apogée de sa splendeur, la cité devait compter entre 30000 et 40000 habitants. Elle résista à Antigonos Monophtalmos (vers 384-301 avant notre ère), ancien lieutenant d’Alexandre le Grand et gouverneur grec de la Syrie séleucide et à l’occupation romaine. La cité ne parvint pourtant pas à se redresser après les tremblements de terre de 363 et 551 de notre ère, ni à affronter la conquête arabe au VIIe siècle de notre ère. Elle tomba dans l’oubli.

Image ci-contre : une niche à bétyle (dieux qui sont le plus souvent figurés sous une forme abstraite par des pierres sacrées) dans l’étroit défilé du Sîq. © Marc Truschel.

Aujourd’hui, Pétra est considérée comme l’une des merveilles du monde, classée au patrimoine mondial de l’UNESCO. Depuis 1993, la zone qui entoure le site est devenue un parc national archéologique.
Elle fascine autant par ses monuments que par les instants magiques où, au crépuscule, lorsque le soleil l’inonde de lumière, elle se pare de filaments d’or qui lui valent le nom de «rose des sables». Mais la cité de pierre se révèle bien fragile. Sous l’action des pluies, du sel, du soleil et du vent, la roche s’effrite inexorablement, la menaçant de retourner à la poussière.

Les nouvelles technologies

Grâce aux nouvelles technologies, des experts, dirigés par l’architecte Steve Burrows et équipés d’un scanner tridimensionnel appareil de numérisation et d’acquisition en 3D, ont pu confirmer que l’Ed Déir a été creusé dans la roche en partant du haut vers le bas. Des lignes apparaissent nettement de part et d’autre du monument et forment des escaliers qui ont été effacés au fur et à mesure de la progression des travaux vers le bas. Image ci-contre : © DR.