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Bible, Histoire, Archéologie

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Archéologie

Bar Kokhba,

la révolte (132-135 après J.-C.)

La guerre qui déchira la province de Judée et qui opposa l’Empire romain sous le règne d’Hadrien à Bar Kokhba a laissé semble-t-il peu de traces dans les consciences contemporaines. Il s’agit ici de comprendre la façon dont cette histoire a été contée et comment elle nous est parvenue.

Le contexte historique

Une nouvelle guerre de Judée se déclencha quelques mois à peine après le passage remarqué d’Hadrien dans ses provinces orientales. Nous sommes dans la 16e année de son règne en l’an 132 après J.-C. L’ensemble de la région sort d’une période fort mouvementée.
Il y a à peine 17 ans, Trajan, empereur fougueux, arrivait aux bords de l’Euphrate, prenait Ctésiphon et descendait le cours du fleuve jusqu’à son delta. L’Empire romain était fort, son empereur insolent de gloire. Or voilà que les nuages ne tardèrent pas arriver. Des émeutes juives se déclenchèrent un peu partout en Orient, jusqu’en Égypte et à Chypre, sapant le travail fulgurant entrepris par les légions romaines dans la nouvelle province de Mésopotamie. Trajan, attaqué sur ses arrières, ordonna de mater les révoltes, mais n’en vit pas de ses yeux le résultat, emporté par une maladie soudaine en 117. Dans la confusion, Rome perdit sa nouvelle conquête orientale. Hadrien, protégé de Trajan, et désigné du vivant du césar, reprit au pied levé la direction de l’empire. Il réussit à y réinstaurer l’ordre et la prospérité, ce dont le louèrent les écrivains de cour fort bien instruits de la façon d’en parler.

Image ci-contre : trois militaires romains.
De gauche à droite : un centurion revêtu d’une parure de torques et de phalerae,
– un centurion primus pilus, primipile, le grade le plus élevé d’un centurion,
– un légionnaire « classique » du milieu du Ier siècle de notre ère. © DR.

Hadrien

Hadrien fut un grand voyageur et avait le désir profond de connaître son empire pour mieux le diriger. Dans un climat de paix et de tranquillité retrouvées, il décida lors de sa visite en Orient de fonder une colonie à Jérusalem et d’y bâtir un temple magnifique à Jupiter sur l’emplacement- ô combien symbolique – du lieu du Temple, lui-même détruit par les armées de Titus en 70. Outre cela on entendit parler d’un décret impérial interdisant la circoncision.
Les Juifs de Judée informés des nouvelles décisions impériales usèrent de ruse. Ils fabriquèrent des armes émoussées destinées originellement aux armées de Rome pour ainsi pouvoir les récupérer. Pour mettre à exécution leurs intentions, ils attendirent que la cohorte impériale s’éloigne de la région.

Image ci-contre : statue en bronze d’Hadrien découverte dans la région militaire de la VIe légion à Tel Shalem. Musée d’Israël. © Carol FollowingHadrian.

Les premiers combats dirigés contre la présence romaine dans la province de Judée furent éclatants de succès. Il subsistait pourtant de l’ancien arsenal de mesures vespasiennes le cantonnement de la légion X Fretensis à Jérusalem. De plus, depuis 70, par décision du gouvernement central, avait été installée une seconde légion en Galilée, région très peuplée au nord de la Judée. Pourtant, malgré les effectifs romains importants présents dans la province, l’armée romaine se trouva en grande difficulté. Une aide fut nécessaire pour que le gouverneur de la province, Tineus Rufus, puisse mener la contre-attaque. Le nombre de légions engagées dans ce si petit territoire étonne. On en recense au moins cinq. À cela s’ajouteraient toutes les unités auxiliaires et même une partie de la flotte impériale. L’effort de guerre fut si important que l’empereur dépêcha d’urgence un de ses meilleurs généraux de la province de Britania. L’effroi gagnait le cœur de l’Empire. Hadrien aurait même résolu de se déplacer sur le lieu du conflit, commandant aux meilleurs stratèges de lui construire des machines de siège adaptées à la stratégie mise en place.

1. Denier d’Hadrien, avers : IMP CAESAR TRAIAN HADRIANVS AVG. Buste lauréat à droite.
Revers : PM TR P COS III Salus assis à gauche, tenant la patère, nourrissant un serpent. © Collection particulière Marc Truschel.
2. Pièce de monnaie probablement datée de la 3e année de la révolte de Bar Kokhba (135/5). Sur l’avers la façade du Temple de Jérusalem (l’arche de l’alliance est visible à l’intérieur).
Sur le revers, le loulav (faisceau de brindilles) et l’etrog (un agrume), ainsi qu’une inscription en paléo-hébreu : « Pour la liberté de Jérusalem». © DR.
Voici les termes hébreux pour les quatre espèces végétales dans le Lévitique : 1) etz hadar, ou agrumes ; 2) t’marîm, palmiers dattiers ; 3) etz avot, arbres épais et feuillus et 4) arvey nahal, saules du ruisseau. Au Ier siècle de notre ère, on commença à identifier ces espèces comme étant : le citron, le palmier dattier, le myrte et le saule. C’est ainsi que nous les appelons en hébreu : Etrog, Lulav, Hadas et Aravah.

Bar Kokhba

Le camp juif était dirigé par un certain Bar Kokhba. Il eut une grande influence sur son peuple, au point que plusieurs, et non des moindres, le reconnurent comme le messie annoncé dans les textes bibliques. Il fut même crédité de miracles et d’autres manifestations extraordinaires qui frappèrent d’autant le peuple acquis à sa cause. Le nouveau prince d’Israël qui suivait avec grande attention les efforts de ses généraux leur écrivait sans cesse sur tous les sujets. Il s’agissait de ne pas perdre la flamme de cette guerre de libération. Un des axes majeurs du nouvel État, que le nouveau chef juif aussi appelé Shimon, prince d’Israël recréait, portait sur l’instauration d’un système économique fiable capable de suppléer aux entraves de la guerre. Il s’agissait d’avoir les moyens nécessaires pour tenir contre le siège entrepris par Rome.

Image ci-contre :
Avers : une inscription hébraïque, feuille de vigne, 
“Pour la liberté de Jérusalem”
Revers : un palmier avec 7 palmes et des fruits. “Shimon prince d’Israël”. Collection particulière © Marc Truschel.

En effet, la stratégie de reconquête de l’Empire romain fut de mener une guerre systématique progressant de citadelle en citadelle où s’étaient réfugiés les combattants juifs. Finalement les Romains reprenaient le schéma déjà connu de la première guerre conduisant les légions jusqu’au cœur du système, la cité de Jérusalem. Or ici le dernier siège entrepris fut celui de la citadelle de Betar, où s’était réfugié le prince d’Israël. Le siège fut long, coûteux en hommes, mais la ville tomba et marqua la fin d’un conflit, d’un règne tyrannique, d’une persécution sanglante à l’égard des chrétiens restés fidèles au pouvoir central.
Les combats avaient laissé un pays exsangue, 580 000 personnes réduites en esclavage, des milliers de morts et l’interdiction absolue pour les Juifs de séjourner à Jérusalem.

Image ci-contre : un aureus d’Hadrien (117-138).
Avers : IMP CAESAR TRAIAN HADRIANVS AVG. © D.R.

Hadrien décida de fonder la nouvelle colonie Aelia Capitolina à l’emplacement de la ville sainte et d’y ériger un certain nombre de temples païens. Les armées romaines avaient particulièrement souffert de ces trois ans de guerre et pour la première fois, Hadrien ne s’adressait pas au Sénat avec la formule traditionnelle, “moi et les armées allons bien”. Le traumatisme était immense. C’est sur les ruines de cette province romaine que fut inventé un nouveau terme administratif pour la désigner. Elle s’appellerait désormais la province de Syrie-Palestine (Syria Palaestina).

Pour en savoir plus

Marc Truschel, La Judée de Vespasien à Bar Kokhba. Iudaea Capta.
Sources et lectures. La construction d’une histoire.

L’enquête menée à partir du corpus littéraire conduira le lecteur à travers un long voyage allant des écrits de la Rome flavienne à ceux du début du Moyen-Âge. L’ouvrage apporte de nouvelles perspectives par son analyse historique des deux conflits qui frappèrent durement la Judée antique.

Presses Académiques Francophones. 270 pages.