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Bible, Histoire, Archéologie

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Archéologie

Introduction et lecture

1 Après cela, il y eut une fête des Juifs, et Jésus monta à Jérusalem. 2 Or, à Jérusalem, près de la porte des brebis, il y a une piscine qui s’appelle en hébreu Bethesda, et qui a cinq colonnes (ou portiques). 3 Sous ces colonnes étaient couchés en grand nombre des malades, des aveugles, des boiteux, des paralytiques, qui attendaient le mouvement de l’eau; 4 car un ange descendait de temps en temps dans la piscine, et agitait l’eau; et celui qui y descendait le premier après que l’eau avait été agitée était guéri, quelle que fût sa maladie (Jean 5,1-4).

Image ci-contre : deux théologiens étudiants et méditant la Bible. © Juicy SEPTEMBER  2150495825.

Deux bassins mentionnés dans l’Évangile de Jean ont été à ce jour bien identifiés :

1- Le bassin (ou piscine) de Bethesda. À la suite de restaurations entreprises sur l’église Sainte-Anne à Jérusalem dès 1888, deux grandes piscines avec cinq portiques et de nombreux fragments de l’époque romaine, dont un montrait « un ange agitant l’eau », ont été exhumés (Jean 5,2). La piscine de Bethesda mentionnée au chapitre cinq s’est avérée comporter cinq colonnes (comme décrit dans l’Évangile), mais elle n’était pas structurée comme un pentagone. Il y avait quatre colonnes séparées au milieu par une autre, formant ainsi les cinq colonnes.
2 – Le bassin (ou piscine) de Siloé désignait différents réservoirs situés au sud de la colline de l’Ophel dans la partie inférieure de la cité de Jérusalem du temps du royaume de Juda (Jean 9,7).

Image ci-contre : un aperçu général des ruines du bassin de Siloé lors des fouilles dans la Cité de David en 2004. © Markbarnes.

Au VIII-VIIe siècle avant Jésus-Christ, face aux menaces de siège que faisait planer alors le puissant empire assyrien, Ézéchias, roi de Juda, décida d’assurer l’approvisionnement de la ville en eau. Celle-ci, puisée à la source du Gihon, est acheminée à l’intérieur des murs de la ville à travers une galerie souterraine – le fameux « tunnel d’Ézéchias » – pour être ensuite conservée dans un réservoir spécialement creusé pour la circonstance (2 Rois 20, 20).
Rénovée quelques siècles plus tard, l’installation a également servi de piscine pour les bains rituels des Juifs (mikveh) venus en pèlerinage au Temple. C’est d’ailleurs ce que confirme le récit d’un des miracles les plus connus de Jésus, rapporté au chapitre 9 de l’Évangile de Jean (Jean 9, 1-41). Alors qu’il passait par la porte des Brebis, le Christ aperçoit un aveugle de naissance. Mêlant sa salive à de la poussière, il applique cette boue sur les yeux de l’infortuné avant de lui donner cet ordre : « Va te laver à la piscine de Siloé – ce qui veut dire « envoyé ». L’aveugle s’en alla donc, il se lava et revint en voyant clair. », écrit simplement l’évangéliste (Jean 9,7).

 

Les ruines aujourd’hui du bassin de Bethesda. Les Autorités des Antiquités d’Israël ont annoncé entreprendre prochainement des fouilles sur le bassin de Bethesda. © godongphoto 2108488121.

La piscine de Bethesda = Asclépiion

Il y a tout lieu de penser que la piscine de Bethesda (située juste à l’extérieur de la vieille ville, à proximité du Temple de Jérusalem) faisait partie d’un Asclépiion, c’est-à-dire un centre de guérison dédié au dieu gréco-romain du bien-être et de la santé. La dévotion d’Asclépios était renommée dans toutes les régions dominées par l’Empire romain. On comptait ainsi à l’époque plus de 400 Asclépiions à travers l’empire fonctionnant comme des centres de guérison et des dispensateurs de la grâce et de la miséricorde de la divinité envers ceux qui étaient dans le besoin.

Image ci-contre : un bâton ou une coupe entouré d’un serpent qui est devenue aujourd’hui le symbole de la présence d’une pharmacie. Domaine public.

Les filles mythiques du dieu comprenaient les déesses Hygie et Panacée. Nous pouvons entendre dans leurs noms grecs nos mots modernes pour « hygiène » et « panacée » – des concepts clés associés aujourd’hui à la médecine et à la santé. Les serpents étaient un élément clé du culte de la santé et de la guérison d’Asclépios. Même aujourd’hui, l’un des symboles clés de la médecine moderne est une coupe ou un bâton entouré d’un serpent.

L’apologiste chrétien du IIe siècle, Justin Martyr mentionne une obsession populaire pour Asclépios parmi ses contemporains, disant : « … Quand le diable présente Asclépios comme le restaurateur des morts et le guérisseur de toutes les maladies, ne puis-je pas dire qu’à ce sujet également, il a imité les prophéties sur le Christ ? » (Justin Martyr, Dialogue avec Tryphon, le Juif, 69). De même, dans une déclaration attribuée au sage juif du Ier et début du IIe siècle, Rabbi Akiva, l’un des plus importants maîtres de la troisième génération des docteurs de la Mishna, nous lisons : « Une fois, on a demandé à Akiva ben Yosseph d’expliquer pourquoi les personnes atteintes de maladie revenaient parfois guéries d’un pèlerinage au sanctuaire d’une idole, bien qu’il fût sûrement impuissant. » (Talmud de Babylone, Avodah Zarah 55a).
La piscine de Bethesda faisait probablement partie de l’hellénisation de Jérusalem, avec plusieurs autres projets importants qui comprenaient un théâtre et un bain romains. C’est probablement en référence à une telle hellénisation de Jérusalem que les dévots juifs qumrâniens (les esséniens de Qumrân, principaux adversaires des pharisiens), dans leur commentaire sur le prophète Nahum, ont écrit : « Jérusalem… était devenu une demeure pour les méchants des païens… » (4QpNah).
Dans cette situation, la piscine de Bethesda (« maison de miséricorde » en hébreu) n’était probablement pas un site juif, mais plutôt une installation affiliée à l’Asclépiion grec. Il est très important de noter que dans la guérison rapportée au chapitre cinq de l’Évangile de Jean, Jésus ne commande pas à celui qu’il a guéri de se laver dans la piscine (de Bethesda), tandis que dans l’histoire de la guérison de l’aveugle au chapitre neuf, il a donné un ordre direct d’aller se laver à la piscine de Siloé. (Jean 9,6-7) Il semble donc que si la piscine de Bethesda était un lieu païen (un Asclépiion), la piscine de Siloé était en effet liée au Temple de Jérusalem.

Mais qu’en est-il de la partie du texte (incluse dans certains manuscrits) qui mentionne un ange du Seigneur agitant les eaux ? (Jean 5,4).

4 [… car un ange descendait de temps en temps dans la piscine, et agitait l’eau; et celui qui y descendait le premier après que l’eau avait été agitée était guéri, quelle que fût sa maladie…]

Il semblerait qu’un copiste chrétien, peu familier avec le culte d’Asclépios et l’affiliation de la piscine de Bethesda avec lui, a ajouté l’explication d’un « ange du Seigneur » remuant les eaux dans une tentative de clarifier les choses pour ses lecteurs.

Tous les premiers anciens manuscrits omettent ce verset 4. Dans certaines versions actuelles de nos Bibles, il est bien mentionné, en note bas de page, que ce verset ne figure pas dans les anciens et premiers manuscrits du Nouveau Testament.

Image ci-contre : une vue des ruines de la piscine de Bethesda aujourd’hui. © Berthold Werner.

Tout en essayant d’aider ses lecteurs, le scribe a envoyé toutes les générations suivantes de lecteurs dans la mauvaise direction interprétative, manquant ainsi le but de l’histoire. L’agitation de l’eau faisait partie d’une cérémonie lorsque les prêtres du temple d’Asclépios ouvraient les tuyaux de liaison entre les parties supérieure et inférieure de la piscine. Parce qu’un ensemble de tuyaux était plus haut que l’autre, cela provoquait une « agitation » de l’eau dans la piscine. L’eau du réservoir supérieur s’écoulait dans la partie inférieure de la piscine, mais il semble que le scribe chrétien du IVe-Ve siècle l’ignorait.
C’est une excellente illustration de l’importance de retrouver une perspective juive du premier siècle sur les Saintes Écritures.