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L’archéologie marine en Israël

Des fouilles sous-marines révèlent un passé préservé par la mer

Sommaire:
L’introduction –

Si une grande partie du sol israélien a déjà fait l’objet d’importantes fouilles archéologiques, les fonds marins commencent à peine à révéler leurs trésors. © Mélanie Lindman.

Une vue d’une des plus belles côtes méditerranéennes d’Israël (détail) : Dor Beach, au sud d’Haïfa, qui est l’objet d’importantes fouilles marines. DR.

Introduction

Le bourdonnement du puissant aspirateur sous-marin brise le silence de l’un des endroits les plus pittoresques d’Israël, le paisible lagon de Dor Beach, au milieu duquel de petits îlots de sable émergent des eaux claires de la Méditerranée.

À deux mètres seulement sous la surface, une dizaine d’archéologues, étudiants et bénévoles en combinaison de plongée avancent comme des fourmis, ratissant scrupuleusement les étendues sablonneuses à l’aide d’une drague sous-marine. Cette sorte d’aspirateur géant leur permet de mettre délicatement au jour des fragments de poterie et de bois d’un navire qui a coulé ici il y a plus de 3 000 ans.

« Après 120-130 ans d’archéologie scientifique terrestre, nous en savons beaucoup sur ce qui s’est passé sur terre, mais très peu sur ce qu’il y a dans les fonds marins », explique le professeur Assaf Yasur-Landau, directeur de l’Institut d’études maritimes Leon Recanati de l’Université de Haïfa.

Image ci-contre : des étudiants et membres de l’Université de Haïfa utilisent des dragues de sable pour retirer jusqu’à deux mètres de haut de sable ou fouiller autour des trésors enfouis dans le sable de Dor Beach, en mai 2023. © Département des civilisations maritimes/Université de Haïfa).

L’École d’archéologie et de cultures maritimes de l’Université de Haïfa est l’unique programme de qualification en archéologie subaquatique d’Israël. Depuis 2012, une version anglaise est offerte aux étudiants étrangers, qui seront une vingtaine, cet été, à obtenir leur diplôme.

« Tout ce que nous fouillons nous apporte une énorme quantité d’informations », s’enthousiasme Yasur-Landau. « Chaque navire est une sorte de capsule temporelle, qui nous donne à connaître les marchandises qui s’échangeaient, les relations commerciales qui existaient et ce qu’était l’environnement à l’époque. »

En mai, Yasur-Landau a supervisé les premières fouilles de deux épaves échouées dans la lagune de Dor Beach : l’une est de période perse, approximativement en 550 avant notre ère, et l’autre de l’âge du fer, soit 1 000 ans avant notre ère. Durant ces trois semaines de fouilles, l’équipe a découvert des fragments de céramique vieux de 3 000 ans environ et tenté de déterminer si le lieu avait été un port, explique Yasur-Landau. À l’automne, ils reprendront la campagne de fouilles pour trois autres semaines, afin d’explorer mieux encore les fonds marins.

Israël est depuis toujours un endroit stratégique pour les activités maritimes, des premiers villages de pêcheurs méditerranéens (en 10 000 avant notre ère) aux ports romains, comme celui de Césarée, en passant par les navires chargés de réfugiés juifs tentant de contourner le blocus britannique après la Seconde Guerre mondiale.

Fouiller des objets ou des navires qui ont coulé en mer il y a des milliers d’années est beaucoup plus complexe que de fouiller sur terre. C’est aussi beaucoup plus onéreux, car il faut des bateaux, des dragues de sable, du matériel de plongée et une équipe hautement qualifiée avec des compétences spécifiques.

À la base, la procédure archéologique est la même – documentation et fouilles méticuleuses, couche par couche – mais tout se passe sous l’eau, que l’on porte une combinaison de plongée encombrante, qu’il faut lutter contre les courants, les vagues et les marées, sans compter les poissons curieux et les petites méduses.

De récents progrès technologiques – telle la photographie sous-marine, à même de modéliser les fonds en 3D, qui seront étudiés sur la terre ferme – facilitent sensiblement les fouilles sous-marines.

Sous la mer, un paillasson est éternel

« Notre principal objectif est de comprendre la vie des hommes qui nous ont précédés, la manière dont ils ont évolué et se sont adaptés, sur le plan économique, social ou culturel, à un environnement changeant », explique Yasur-Landau. « Pourquoi nous y intéressons-nous ? Parce que nous y voyons des processus commencés il y a fort longtemps, mais qui se poursuivent encore aujourd’hui. »

Les dégâts infligés par les activités humaines aux écosystèmes côtiers, l’élévation du niveau des mers, la surpopulation, les difficultés politiques qui engendrent des problèmes économiques sont autant de questions auxquelles les habitants de la partie côtière d’Israël sont confrontés depuis des milliers d’années, et aujourd’hui encore, ajoute-t-il. Le commerce maritime représente toujours plus de 90 % des importations d’Israël.

« Dans ces fonds marins, nous avons un aperçu de ces 11 000 dernières années, depuis le moment où les hommes ont commencé à se sédentariser dans des villages jusqu’à hier », précise-t-il. « Nous sommes capables de dire ce qu’ont été ces 11 000 ans, rien qu’à la façon dont les gens ont vécu en bord de mer et dont ils ont interagi avec elle. »

Le programme de l’Université de Haïfa alterne fouilles sous-marines et fouilles terrestres côtières, car les villages côtiers et les ports sont très étroitement liés à la mer. En outre, en raison des fluctuations du niveau de la mer au fil du temps, certaines zones sont aujourd’hui submergées alors qu’elles étaient autrefois des terres sèches, parfois le berceau de villages côtiers.

L’environnement sous-marin est difficile mais il n’a pas son pareil pour préserver ce qui, sur la terre ferme, aurait disparu, à l’image des matériaux organiques comme le bois, les cordes ou les tapis en paille.

Le sable crée un environnement anaérobie : ce qui est recouvert par le sable est presque totalement – sinon totalement – privé d’oxygène. Or, c’est l’exposition à l’oxygène qui provoque la dégradation et la décomposition des matières organiques. Placées dans un environnement anaérobie, elles restent beaucoup plus longtemps intactes.

Yasur-Landau a trouvé des morceaux de nattes en paille datant de l’époque byzantine, ainsi que de la vannerie et des cordes jumelées datant d’environ 300-600 de notre ère. On ne trouve que rarement ce genre d’objets sur la terre ferme, alors même qu’ils fournissent de précieuses informations sur ce que pouvait être la vie quotidienne de nos ancêtres.

L’autre avantage des champs de fouilles archéologiques sous-marins – généralement enfouis sous un mètre de sable ou plus – est qu’ils ont rarement été visités par la main de l’homme, contrairement aux milliers de sites archéologiques terrestres, en Israël, souvent pillés.

Prier Poséidon

Les étudiants qu’intéresse l’étude de l’archéologie sous-marine doivent idéalement avoir des compétences de base en plongée sous-marine, mais Yasur-Landau assure qu’il ne recherche pas des profils d’hommes-grenouilles hautement qualifiés. La plupart des lieux de fouilles sous-marines sont peu profonds, à l’instar de celui de Dor Beach, situé entre 2 et 4 mètres de profondeur. Il est nettement plus important de savoir travailler avec soin et patience dans des conditions sous-marines difficiles, ajoute-t-il. Pour commencer, il faut aimer l’eau.
Les fouilles sous-marines peuvent être fastidieuses, car elles supposent des heures d’aspiration consciencieuse du sable pour dégager de petits fragments de bois ou de céramique mais pour Runjajić, ce sont les fouilles les plus intéressantes de l’année.

[…] « Nous avons finalement peu de temps pour du travail de terrain durant l’année – en raison des travaux de recherche, des subventions ou des finances – et ce sont toujours des moments très spéciaux », assure Runjajić. « Le meilleur moment, c’est quand on se met à l’eau parce qu’on l’attend depuis longtemps, c’est prévu de longue date. Il ne reste plus qu’à prier Poséidon pour que tout se passe bien ».

Des super-aspirateurs

Dor Beach a des airs de station balnéaire des Caraïbes, bien que située sur la côte méditerranéenne d’Israël. Trois petites îles habillent ce lagon peu profond, dont les eaux d’un bleu vif reflètent un ciel céruléen. On ne saurait être plus loin des parties les plus ingrates de la côte israélienne ou du port crasseux de Haïfa, pourtant situé à seulement 30 kilomètres au nord. Ces eaux calmes et accueillantes permettent aisément de comprendre pour quelle raison les marins des temps anciens en avaient fait un port, il y a de cela des milliers d’années.

Depuis les années 1980, les archéologues y ont identifié quelque 26 épaves ou restes de cargaison. Jusqu’à très récemment, il était difficile de fouiller le lagon car la plupart des vestiges archéologiques se trouvent sous deux mètres de sable. En d’autres endroits de la côte du Carmel, des vestiges archéologiques ont été retrouvés sous un mètre de sable seulement.

Pour retirer ces deux mètres de sable sous l’eau, les équipes composées d’une dizaine de plongeurs chacune utilisent deux dragues de sable, qui aspirent le sable d’une zone pour le recracher dans une autre zone. Le mouvement naturel de l’eau fait que toute zone excavée a tendance à se remplir à nouveau de sable, ce qui implique que les dragues soient constamment actives. Les archéologues utilisent également des sacs de sable pour étayer les côtés d’une zone fouillée, laquelle doit au moins s’étendre sur 10 mètres carrés afin de pouvoir suffisamment vider de son sable la zone examinée.

Durant la nuit, la zone soigneusement fouillée se recouvre à nouveau de sable et, au matin, les archéologues recommencent.

Yasur-Landau explique que les zones sablonneuses de Dor Beach n’abritent pas une faune sous-marine très riche, de sorte que les fouilles n’ont que peu d’impacts négatifs sur l’environnement.

À l’occasion d’une campagne de fouilles qui a duré trois semaines en mai, l’équipe a fouillé deux sites afin d’explorer des cargaisons et restes d’épaves de navires persans et de l’âge du fer. C’était la première fois que ces vestiges faisaient l’objet de fouilles depuis leur identification, dans les années 1990, par des plongeurs israéliens et américains.

Les plongeurs sont également à la recherche de vestiges antérieurs à l’âge du fer. Yasur-Landau explique sur ce point qu’une fois atteint les sédiments des fonds marins, situés sous la couche de sable, ils chercheront des traces d’activités humaines remontant au néolithique (soit 9 5000 à 4 500 ans avant notre ère) voire au paléolithique (plus de 9 500 ans avant notre ère).

Les plongeurs devront dans ce cas de figure utiliser des outils archéologiques plus traditionnels, à l’image des truelles, pour creuser soigneusement dans les sédiments argileux sous le sable.

Confiant, Yasur-Landau est convaincu qu’ils tomberont sur des vestiges de cette période. Il a d’ailleurs invité plusieurs experts du néolithique à venir plonger au tuba en surplomb de la zone fouillée afin d’identifier des motifs, témoins d’une forme d’activité humaine.

Des vestiges de villages néolithiques côtiers ont été trouvés à Atlit Yam, datant d’environ 8 000 ans avant notre ère : le niveau de la mer était alors beaucoup plus bas qu’aujourd’hui, de sorte que le village se trouvait plus proche de l’eau. Par ailleurs, l’archéologie sous-marine en Australie a permis de réunir des preuves d’établissements humains le long de la côte du continent et sous l’eau, il y a de cela 60 000 ans.

 

 

Drachme d’argent comportant la mention frappée en araméen « Yehud » (Judée).
Elle « serait la première pièce juive ainsi que la première pièce de la province de Judée. »
© Musée d’Israël, Jérusalem.