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Bible, Histoire, Archéologie

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Introduction

Les Samaritains sont un peuple mentionné dans les Écritures, aussi bien dans l’Ancien Testament (2 Rois 17,29, etc.) que dans les Évangiles (Jean 4,9, etc.). Ils forment, aujourd’hui, avec moins d’un millier de personnes l’une des plus petites communautés ethnique et religieuse au monde. Installés dans la région de Naplouse, ces descendants de certaines tribus d’Israël, tentent de préserver leur identité dans un Proche Orient complexe.

Image ci-contre : un prêtre samaritain présentant un ancien rouleau de leur Pentateuque. Ancienne photo datant du début du XXe siècle. © DR.

Les Samaritains se considèrent comme les descendants légitimes des Israélites. Lorsque pour se désigner eux-mêmes, ils utilisent l’appellatif que l’on rend par «samaritains» ce n’est pas, comme on le croit ordinairement, pour s’identifier aux habitants de Samarie, les Shomeronim (2 Rois 17,29), mais pour se qualifier de Shomerim, c’est à dire de «gardiens» (du texte saint, de la vérité). (Jean-Daniel Macchi). Leur origine et leurs textes sacrés posent cependant bien des problèmes.

Origine des Samaritains

D’après une opinion ancienne encore très accréditée, ils auraient copié un écrit sacré qu’ils possédaient antérieurement au schisme de 931 avant J.-C., ce qui signifierait que l’existence des Samaritains ne daterait pas de la déportation ordonnée par Sargon II, mais qu’il existait peut-être déjà à cette époque une communauté samaritaine dissidente du culte de Jérusalem.

D’après le texte biblique
«Dans la première année de mon règne […] j’assiégeais et capturais la ville de Samarie. J’emmenais captifs 27 290 de ses habitants. J’emportais 50 de leurs chars, pour ajouter à ma force royale […] Je retournais et fis plus que m’installer de manière formelle. J’établis sur eux mes officiers comme gouverneurs. Je leur imposais un tribut et des impôts, selon la coutume assyrienne». Annales de Sargon II.

En 722-721 avant J.-C., les Assyriens détruisent Samarie, mettant fin du même coup au royaume du Nord. Sargon II, dans ses Annales, déclare avoir déporté «27 290 Israélites», qui sont emmenés en exil tandis qu’il introduit des colons venus de Babylonie, de Hamath (2 Rois 17, 24) et d’Arabie. Ces gens s’installent dans le centre d’Israël, qui devient la province assyrienne de Samarina (Samarie) et se mélangent avec le reste de la population épargnée par la déportation.
Le Pentateuque (les 5 premiers livres de l’Ancien Testament) leur aurait été donné par le prêtre chargé d’instruire les colons amenés d’Assyrie pour repeupler la Samarie (2 Rois 17,28). La population mélange ses cultes d’origine avec celui de l’Éternel et ce culte mixte se maintient probablement jusqu’à la chute de Jérusalem en 586 avant J.-C.

Image ci-contre : le mont Garizim depuis Sichem (aujourd’hui Naplouse). Au premier plan, il reste quelques vestiges d’un temple que certains spécialistes datent des périodes du Bronze moyen et du Bronze récent. © Todd Bolen.

Le roi assyrien Assar-Haddon poursuit la politique de déportation de son grand père Sargon II (Esdras 4, 2) et Assourbanipal achève la colonisation en ajoutant à la population de Samarie des gens de l’Élam et d’ailleurs (Esdras 9, 10).
Lorsque les Juifs reviennent d’exil à la fin du VIe siècle avant J.-C., les Samaritains proposent leur aide pour la reconstruction du Temple, de la ville et des murs de Jérusalem, mais Zorobabel et Josué rejettent leur offre. Une véritable hostilité se développe entre les Juifs et les Samaritains. Ces derniers réussissent, par leurs délations et leurs calomnies, à faire interrompre les travaux jusqu’à la deuxième année du règne de Darius Hystape (vers 520 avant J.-C. et dédicace du nouveau Temple vers 515 avant J.-C.). Néhémie arrive à bout des obstacles qui provoquent une scission complète, politique et religieuse avec les Samaritains.

Célébration de la fête de Pâque chez les Samaritains, sur le mont Garizim. Des fours sont creusés dans le sol et sont remplis de bois pour la cuisson des animaux. © Doron Nissim.

Les Samaritains à l’époque inter et néo testamentaire

Des recherches récentes concluent que les Samaritains de l’époque du Nouveau Testament ne seraient pas uniquement les descendants physiques et religieux des colons établis par Sargon II et les autres rois assyriens. On pense que l’origine des Samaritains du temps des Évangiles remonterait au temps de la réoccupation de Sichem au IVe siècle avant J.-C. Selon Flavius Josèphe (Antiquités juives 11.8.7), des Juifs chassés de Jérusalem par des mesures disciplinaires se réfugient parmi les Samaritains, qui les accueillent et les font participer au culte dans le temple rival de celui de Jérusalem, érigé sur le mont Garizim au IVe siècle avant J.-C.
Dans Deutéronome 27, 4, Moïse ordonne au peuple, quand il aura traversé le Jourdain, de dresser un autel composé de «pierres brutes» (non taillées) sur le mont Ébal, de les enduire de chaux et d’y écrire la Loi. Afin d’augmenter la vénération pour leur montagne sacrée, les Samaritains auraient remplacé dans leur version le mont Ébal par le Garizim (Pr Adam Zertal de l’Université de Haïfa).

Image ci-contre : un bas-relief à l’image de Sargon II. © Musée égyptien de Turin, Italie.

Lors des persécutions d’Antiochus Épiphane, les Samaritains composent avec le tyran et déclarent vouloir consacrer leur temple à Jupiter.
Vers 128 avant J.-C, le roi hasmonéen Jean Hyrcan détruit Samarie après un siège d’un an, s’empare de Sichem et détruit le temple qui subsistait sur le mont Garizim (Antiquités juives 13.9.1). Les Samaritains continuent, malgré tout, à célébrer leur culte sur son emplacement et ce jusqu’à nos jours. Il en était ainsi au temps du Nouveau Testament.

Le Pentateuque samaritain

Les Samaritains sont restés fidèles à leur version de la Torah dont ils prétendent encore aujourd’hui qu’elle est supérieure à celle transmise par les Massorètes et qu’elle daterait d’avant le schisme de 931 (?). Ils pratiquent la circoncision et respectent le sabbat.
Le principal reproche que les Juifs adressent aux Samaritains est le rejet de tous les livres du Tanakh, des traditions rabbiniques et de la loi orale compilée dans la Mishna et la Gemara, à l’exception de la Loi contenue dans le Pentateuque et du Livre de Josué qui lui fait suite.

Les Samaritains possèdent un Pentateuque en hébreu que mentionnent Jérôme, Eusèbe et d’autres Pères de l’Église. La plupart des rouleaux samaritains contenant le Pentateuque entier ou partiellement ne sont pas tenus pour antérieurs au Xe siècle de l’ère chrétienne ; un ou deux des rouleaux conservés à Naplouse (l’ancienne Sichem) passent pour plus anciens. Les divers rouleaux samaritains sont écrits en caractères analogues à ceux des monnaies de l’époque des Maccabées, caractères que les Israélites employaient avant l’introduction de l’hébreu dit «carré».

Image ci-dessus : alphabet samaritain. © Avec l’aimable autorisation de l’Association Alphabets.
Parmi les manuscrits du Pentateuque, le texte samaritain est celui qui propose le plus de variantes par rapport au texte massorétique conservé par la tradition juive. On trouve environ 6000 différences, soit approximativement une par verset.

Parmi les manuscrits du Pentateuque le texte samaritain est celui qui propose le plus de variantes par rapport au texte massorétique conservé par la tradition juive. On trouve environ 6 000 différences soit approximativement une par verset. D’autres variantes sont moins importantes, Il y a environ 1 600 passages où le texte samaritain concorde avec la Septante et non avec les écritures hébraïques, ce qui indique que la Septante traduit un texte hébreu très analogue à celui des Samaritains.

Image ci-dessus :  alphabet hébreu, dit « carré ». © Avec l’aimable autorisation de l’Association Alphabets.

Les Samaritains possèdent aussi une version arabe du Pentateuque datant du XIe ou XIIe siècle de notre ère, ainsi qu’un livre de Josué, basé sur l’écrit canonique du même nom et transcrit vers le XIIIe siècle de notre ère. Il ne faut pas confondre le Pentateuque samaritain avec une version du Pentateuque en dialecte samaritain du début de l’ère chrétienne.

Image ci-contre : Pentateuque samaritain, synagogue samaritaine du mont Garizim. © Deror_avi.

Une faible communauté de Samaritains a survécu jusqu’à nos jours dans la région de Naplouse. Elle est composée de deux groupes, dont l’un vit dans le village de Kyriat Luza sur leur montagne sainte, le Garizim (dans les territoires palestiniens) et l’autre à Holon en Israël. Aujourd’hui, la communauté samaritaine est divisée en huit «maisons patriarcales», dont quatre sont issues d’une maison parente des Danafis (tribu de Dan), les autres étant Lévi (la plus importante), Tsedaka (Manassé) et Marhib (Ephraïm). L’État d’Israël les reconnaît comme Juifs bien qu’ils ne se considèrent pas comme tels. Ils se nomment Samaritains israélites. Ils attendent l’avènement du Taheb, fils de Joseph, le Mashia’h («Messie» en grec) semblable à Moïse (Deutéronome 18, 15).

Situé entre le mont Garizim (en arrière-plan, à gauche) et le mont Ébal (à droite), la ville de Sichem (aujourd’hui Naplouse) est un site majeur dans les Écritures, où l’Éternel promet de donner à Abraham ce pays où coulent le lait et le miel. © Alefbet.

Pour en savoir plus

Jean-Daniel MACCHI, Les Samaritains :  Histoire d’une légende,
Israël et la province de Samarie.
Avant le début de l’ère chrétienne, Samaritains et Juifs se sont disputés la légitimité de la religion d’Israël. Aujourd’hui encore, la question de l’origine de la religion samaritaine suscite des polémiques. Faut-il vraiment considérer les Samaritains comme les descendants des populations étrangères déportées en Samarie par les Assyriens (2 Rois 17) ?…
Collection labor et Fides. 
Éditions Le Monde la Bible,  N° 30, 1994.